a - Les "structures-relais"

Lorsque le client signe un nouveau contrat avec un prestataire qu'il connaît déjà, c'est leur relation de service précédente qui va stimuler cette nouvelle transaction. Mais si un individu fait appel à un cabinet pour la première fois, il est difficile de comprendre comment va s'organiser l'échange, comment va démarrer le processus de prestation. C'est pourquoi nous allons ici mettre l'accent sur des "outils de gestion des relations", nécessaires à l'ajustement de l'offre et de la demande. Ces outils nous les qualifions de "structures-relais" dans la mesure où ils fournissent aux agents des messages que le marché dissimule et qu'ils devront d'utiliser au mieux. Parmi ces "structures-relais", on peut citer les institutions créées par les acteurs du conseil, les associations professionnelles, les divers organismes de qualifications, certifications, les syndicats, les institutions de régulation ou d'intermédiations...

Ces "structures-relais" émergent au fil du temps, elles sont le résultat d'arrangements particuliers entre individus ou d'interactions spécifiques. Il nous semble intéressant, pour illustrer nos propos, de parler de la constitution d'une "structure-relais" régionale, l'AQCERA, l'Association pour la Qualification du Conseil En Rhône-Alpes (qui est devenue l'Association pour la Qualité du Conseil en Entreprises et Administrations), née de l'initiative de huit consultants rhône-alpins en 1994. A l'époque ces derniers remarquent que les clients ont d'énormes difficultés à repérer le cabinet qui saura répondre à leurs attentes, ils aspirent donc à plus de transparence, de clarification, de lisibilité. Mais le conseil reste un métier flou : il n'y a pas d'ordre et comme l'entrée sur ce marché est libre et qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un diplôme particulier pour s'installer, "on y retrouve tout et n'importe quoi" (selon Yves MARTIN, président fondateur de l'AQCERA), c'est-à-dire à la fois des "gentils amateurs" qui n'ont rien à faire dans ce métier (ils ternissent l'image du conseil) mais aussi de véritables professionnels. C'est dans ce contexte que ces huit consultants, conscients des difficultés à faire reconnaître leur profession, se sont mis à réfléchir sur les manières de progresser dans le conseil et sur les méthodes pour développer la qualité, le professionnalisme. Cela a donné naissance à l'AQCERA (avec l'aide des institutionnels pour la mise en oeuvre) et à l'élaboration d'une déontologie. Plus précisément, un consultant adhérent doit réaliser à la fin de chaque mission un rapport, son client fait de même, et ces rapports sont examinés afin de juger si oui ou non ils suivent la déontologie de l'AQCERA. Ce n'est pas la première association qui cherche à développer le professionnalisme, mais son originalité vient du fait que la qualification porte sur les consultants (et non sur les cabinets) et elle peut être remise en question à chacune de leurs missions (d'autres associations qualifient des cabinets une bonne fois pour toute même si au bout d'un certain temps l'équipe de consultants est complètement renouvelée). Son originalité vient aussi du concept : c'est un concept régional qui ne peut que fonctionner à une échelle locale. La proximité géographique est fondamentale pour les réunions, pour avoir des informations, pour mobiliser les adhérents, pour gérer le fonctionnement de l'association. Globalement, cette initiative est une innovation dans la mesure où elle a abouti à la mise en place d'une déontologie spécifique qui n'existait pas auparavant. Elle permet aux clients d'y voir un peu plus clair, d'avoir un peu plus confiance. Les consultants à l'origine de cette déontologie ont donc construit un instrument de confiance.

Ainsi, quelles qu'elles soient, ces "structures-relais" diffusent des informations et notamment sur la qualité. Parce que l'information n'est jamais donnée à personne dans son intégralité, ne se trouve généralement pas sous forme concentrée ou intégrée, des "structures-relais" se sont constituées et fournissent aux agents des messages qu'ils vont essayer d'utiliser au mieux (J. A. HERAUD 1988). En particulier, ‘"Nous utilisons constamment des formules, des symboles, des règles dont nous ne comprenons pas la signification et grâce auxquels nous profitons d'une connaissance qu'individuellement nous ne possédons pas"’ (F. HAYEK 1986, p. 131). Par exemple, un client va choisir un prestataire sur la base d'informations données par une C.C.I., il profite donc d'une connaissance qu'individuellement il ne possède pas.

Ces "structures-relais" deviennent un outil spécifique de régulation parce qu'elles vont faciliter les échanges (et donc indirectement la production de conseil). Plus précisément, elles stimulent la mise en relation d'acteurs parce qu'elles intègrent un cadre spécifique ou un ensemble de règles pertinentes, représentant quelque chose de particulier aux yeux des clients potentiels. Par exemple, la certification OPQCM obtenue par un cabinet permet au client de lever partiellement l'incertitude sur la qualité (incertitude liée à l'indétermination du produit et au différé d'évaluation).

Dès lors, ces "structures-relais" nous invitent à dépasser la simple mise en relation locale ou la perspective bilatérale pour tendre vers une perspective plus large où la mise en relation est stimulée par une tierce partie (la "structure-relais").

Jusque-là on a souligné l'intérêt des "structures-relais" pour la mise en contact du prestataire et du client, mais elles sont aussi importantes dans la rencontre de partenaires. Du côté des professionnels, ces "structures-relais" sont un moyen d'envoyer des signaux spécifiques à la demande ou à d'éventuels partenaires, ceci conduisant à une meilleure organisation des échanges.

Il est donc primordial de prendre en compte ces "structures-relais" qui jouent un rôle central comme vecteur de confiance et comme ajusteur de la demande à l'offre. Grâce à ces "structures-échanges", la production de conseil peut démarrer.

Cela dit, ces "structures-relais" (qui précèdent la production, qui stimulent la mise en relation dans le conseil) ne conduisent pas à une plus grande liberté de mise en relation. Plus précisément, cette mise en relation n'est pas aussi libre ou étendue qu'on pourrait le croire : elle est conditionnée par ces "structures-relais". Par exemple, les organismes développant les certifications ou les qualifications réduisent le champ des mises en relation : les clients excluront plus facilement les prestataires non certifiés ou les consultants non qualifiés. Mais, et c'est le côté positif, la mise en relation, facilitée par ces "structures-relais", semble plus raisonnée, plus "objective" (car validée par les "structures-relais").