2 - Pendant la relation de service

A cette étape, nous avons repéré des mécanismes de coordination de la production en commun qui relèvent d'une part du service et donc des connaissances et compétences du consultant et d'autre part de la relation de service.

a - Les connaissances et compétences du consultant

Nous voulons montrer ici que les connaissances et compétences du consultant sont un moyen pour coordonner les étapes nécessaires à la production du service.

Au-delà de toutes les étapes où prestataire et client doivent collaborer (cadrage du problème, formation du client), il y a des moments dans le processus de prestation où le consultant est autonome, c'est-à-dire où il mobilise ses connaissances sans que le client n'intervienne (pas d'interaction).

Les connaissances mobilisées proviennent de son savoir (issu de la formation, donc il s'agit d'un savoir "public"), de son savoir-faire (lié à l'apprentissage, aux différentes expériences, donc il s'agit d'un savoir individuel) et d'un savoir propre au cabinet (méthodes, techniques, etc., donc il s'agit d'un savoir collectif ou interne). Les connaissances qu'il possède et mobilise au cours de ses activités quotidiennes sont constituées de "connaissances articulées" et de "connaissances tacites" (P.-A. MANGOLTE 1997).

Une partie de la connaissance est "articulable" (et même éventuellement "articulée") c'est-à-dire parfaitement exprimable et explicitable au moyen du langage372. Traduire un savoir en "forme articulée" signifie donc posséder un système de symboles (et de règles d'utilisation) qui permet de saisir et de communiquer le contenu même de la connaissance.

Une autre partie de la connaissance (les connaissances tacites) reste inarticulée car cachée et éventuellement inconnue. Il s'agit cependant de connaissances bien réelles, au sens où elles sont réellement mises en oeuvre dans le processus de prestation, de manière éventuellement routinière, et sont donc à la source des performances373. Les porteurs d'un tel savoir ne sont en général pas capables de l'expliciter totalement et parfaitement.

Plus précisément, l'ensemble des connaissances du consultant est très important dans la construction du service, mais plus encore ce sont ses capacités à coordonner ses procédures cognitives par rapport aux finalités exigées par le problème du client qui seront déterminantes. Nous faisons allusion ici aux compétences. A la différence des connaissances qui sont des variables de stock, les compétences sont des variables dynamiques. Le consultant est celui qui sait construire et mettre en oeuvre des solutions à partir de ses connaissances dans des contextes différents, autrement dit, qui sait abandonner certaines formes d'action et de comportement pour en introduire de nouvelles. Pour autant il ne s'agit pas de détruire toute son expérience et de faire table rase de sa connaissance. Il s'agit plutôt d'accéder à un nouveau stade de l'intelligence qui intègre et généralise le précédent. Il ne faut pas tout réinventer mais éviter la sclérose cognitive et ceci dépend des capacités de coordination des procédures cognitives de chacun (c'est-à-dire de la compétence). La compétence économique ne peut donc s'acquérir que par un apprentissage basé sur l'expérience, l'éducation, et une aptitude innée à apprendre de la compétence économique (P. PELIKAN 1988). En résumé, chaque individu a sa propre aptitude à recevoir et utiliser l'information pour atteindre et réaliser ses objectifs (compétence rare, asymétrique), de même qu'à apprendre de sa propre compétence et de celle des autres374.

Notes
372.

On entend par langage un système particulier de symboles ou de signes, permettant de transcrire, de stocker et de communiquer éventuellement à autrui le contenu même de sa connaissance.

373.

"Nous savons plus que ce que nous pouvons dire. (...) C'est un fait bien connu que le déroulement d'une performance habile est achevé dans l'observation d'un ensemble de règles qui ne sont pas connues en tant que telles par la personne les suivant" (M. POLANYI 1958).

374.

"La compétence économique se réfère aux façons (résiduelles) d'utiliser l'information dans la prise de décision économique qui (...) sont inhérentes à chaque agent économique" (P. PELIKAN 1988, p. 386).