b - L'apprentissage organisationnel

Au terme d'une mission, chacun des individus reçoit des informations qu'il peut s'approprier et qui deviennent alors des connaissances : le client apprend au contact du consultant et celui-ci bénéficie d'une expérience nouvelle (solution adaptée à la problématique du client, solution sur-mesure). Aussi, après la relation de service, il s'agira de mettre en oeuvre des mécanismes de coordination internes afin de transférer les connaissances nouvelles, acquises dans la relation de service, de l'individu à son organisation, pour que les autres membres en profitent. Nous privilégions ici les transferts vers le cabinet de conseil et non vers l'organisation cliente.

Dès lors, nous sous-entendons qu'au travers de l'expérience et de l'action d'individus multiples, les organisations auxquelles ils appartiennent, apprennent (C. ARGYRIS et D. SCHÖN 1978). Aussi, nous considérons l'organisation comme un processus, tant cognitif qu'économique, de structuration et de coordination des compétences individuelles de ses membres.

En agissant, l'individu interprète ou exprime dans le langage des actes des connaissances précédemment accumulées ; inversement, l'action est la base de l'activité interprétative des acteurs, c'est en agissant qu'ils alimentent leur bagage d'expérience, leur capital de références, leur savoir-faire qui est un savoir-interpréter. C'est en agissant que l'acteur ouvre son système interprétatif sur le monde, le "ressource" et le remet en cause de manière continue. Sans expérience pratique, l'interprétation tourne à vide377. En somme, les organisations apprennent au travers de la multitude d'interprétations portées par les individus. Il y a ainsi une interaction forte entre comportements individuels et collectifs. Cela dit, les interprétations ne se combinent pas de manière totalement anarchique, au contraire une sorte d'interprétation collective émerge qui n'est pas la simple addition des interprétations individuelles. Par conséquent, l'impact cognitif (par exemple les routines mises en place), sur l'organisation, des comportements des agents confère à celle-ci une dimension cognitive. On parle alors d'apprentissage organisationnel : c'est le processus par lequel une organisation acquiert des connaissances nouvelles en tant qu'organisation, c'est-à-dire des connaissances capitalisées par l'organisation et non simplement par les individus qui la constituent. Dès lors, la constitution ou la modification de la structure organisationnelle résulte largement du comportement de ses membres. Par conséquent, on a d'un côté un agent dont le comportement est en partie façonné par la structure de l'organisation et de l'autre une organisation qui se construit et se modifie en partie grâce aux actions de ses membres. En somme, la dimension économique de l'organisation (les actions des membres, les missions des consultants) enrichit la dimension cognitive et inversement.

Pour que, au-delà des individus qui la composent, l'organisation en tant que telle soit capable d'apprendre, c'est-à-dire pour que l'apprentissage organisationnel ait lieu, il est indispensable de transformer les processus purement opérationnels (exécution normée d'une chaîne d'activité) en processus également cognitifs (interprétation collective de la chaîne d'activités), c'est-à-dire que l'organisation se prête à l'enrichissement de ses connaissances ou encore au changement de ses représentations. Plus précisément, il lui appartiendra de "manager" les connaissances nouvelles des individus ; cela peut passer par des choix délibérés de coordination interne : réunions, mécanismes d'évaluation, processus de mémorisation et de diffusion, formalisation..., ou par une diffusion beaucoup plus informelle : relations amicales entre membres de l'organisation, densité des interactions intra-organisationnelles...

Notes
377.

L'ensemble interprétation/action est indissociable, ce qu'exprime fort bien le néologisme introduit par J.-L. LE MOIGNE (1995) : "interprétaction".