Conclusion B

L'approche en termes d'auto-organisation nous a invités à décrire les transactions entre les agents et la manière dont ces transactions engendrent une dynamique. En d'autres termes, elle nous a conduit à présenter les mécanismes qui assurent le fonctionnement du marché du conseil, en nous focalisant sur les interactions entre sujets autonomes et singuliers.

Plusieurs mécanismes sont alors relevés, ils permettent de gérer les relations en amont du processus de prestation mais également dans et en aval (utilisation) de ce processus. Dès lors, l'analyse du fonctionnement du marché apparaît comme globale de par la prise en compte des dimensions d'échange, de production et d'utilisation. On a également souligné le fait que les "outils de gestion des relations" (qui conditionnent le fonctionnement du marché du conseil) contraignent les relations futures : les "structures-relais" de même que les "infrastructures immatérielles" (réseaux, associations, organismes divers, etc.) incitent à certains ajustements plutôt que d'autres ; la relation de service donne des indices de fiabilité d'un consultant, conduira ou non à un nouveau contrat dans le futur et améliorera ou non l'image du cabinet (importance des représentations diffusées par les clients) ; les mécanismes de coordination internes de même que les expériences des consultants dessinent des trajectoires (en termes de spécificités pour le cabinet, de compétences pour le consultant) et conduisent à des irréversibilités...

Ces "outils", au coeur de la dynamique du marché du conseil, ne sont pas indépendants de ceux relevés dans le cadre de l'économie industrielle. En effet, certains sont vecteurs de confiance : par exemple, à côté de la confiance personnelle, locale et vulnérable qui émerge de la relation de service, apparaît une confiance plus globale et impersonnelle provenant de "structures-relais" ou d'"infrastructures immatérielles" ; d'autres renferment des mécanismes d'incitation, par exemple la relation de service peut conduire à faire émerger des innovations ou à l'enrichissement des méthodologies, d'où une réduction de l'opportunisme et une tendance à la coopération ; d'autres enfin incluent l'exercice de l'autorité, par exemple le processus d'évaluation qui va révéler ou non la faisabilité de la solution peut apparaître comme une menace de retour au marché pour le prestataire.

Comme on vient de le voir, le fonctionnement du marché du conseil relève de multiples constructions ("structures-relais", "infrastructures immatérielles", connaissances et compétences) et interactions (relation de service, processus d'évaluation et d'apprentissage). Cela dit, il nous semble que le marché ne peut se développer efficacement qu'en agissant sur l'interprétation378. En effet, comme le marché n'est pas réglementé, il est impossible d'agir sur l'action, de même qu'il est impossible de contrôler de manière déterministe les actions multiples d'acteurs multiples. Mais il sera possible d'agir sur les interprétations ou d'influencer les interprétations. Ce qui va assurer un fonctionnement cohérent en amont du processus de prestation, dans et en aval, c'est d'abord et avant tout un pilotage d'interprétations (d'où l'importance de l'interprétation des signes qu'émettent les autres acteurs) : en amont il faut agir sur la représentation qu'a le client des offreurs (par les actions des "structures-relais" et des "infrastructures immatérielles"), dans la relation de service il faut agir sur la manière dont le client contrôlera sa propre action par un apport de moyens cognitifs, en aval il faut agir sur la représentation qu'a le client des objectifs du service pour s'accorder sur les critères d'évaluation. Ce qui signifie également que les problèmes ne relèvent pas de divergences d'intérêts réelles ou objectives entre les agents, mais reposent sur des croyances, des informations..., différenciées.

Notes
378.

L'interprétation est synonyme de jugement, représentation, mythe.