II. Qui sont les Progressistes ?

Lorsque, dès la première page de The Steel Workers, John A. Fitch annonce en préambule que la question de l’organisation industrielle dans la sidérurgie touche « aux principes mêmes de la démocratie »,51 il pose d’emblée la portée politique de son livre. Cette dimension clairement exprimée soulève en corollaire la question de la source de ce discours : pour l’essentiel en effet, les populations dont il est question dans les pages du Survey ne sont pas celles à qui il s’adresse, pas plus qu’elles ne participent réellement à son élaboration. L’étude des représentations, photographiques ou autres, ne saurait ignorer cet écart, et c’est du côté des producteurs et des récepteurs du texte, les insaisissables « classes moyennes », que les problèmes de définition sont les plus criants. Comme le souligne Richard Hofstadter, l’une des principales difficultés tient au fait que le mouvement progressiste prend son essor lors d’une période de prospérité : il est donc particulièrement délicat d’expliquer par de simples processus d’intérêt économique bien compris que l’Amérique des classes moyennes, restée fidèle au très conservateur McKinley au moment des pires soubresauts des années 1890, s’engouffre en masse dans l’élan réformateur à une période qui semble a priori plus propice au statu quo.52 Il faut bien que les raisons de cette agitation soient d’ordre social ou moral, ce qui rend les généralisations plus délicates. Les commentaires qui suivent ne sont que le reflet d’un débat historiographique ancien, mais encore vivace, auquel sont confrontés quelques éléments concrets tirés du Survey.

Notes
51.

Fitch, John A., The Steel Workers., p. 3.

52.

Hofstadter, Richard., op. cit., p.135.