C. Bilan

L’hétérogénéité des méthodes et des sources du Survey sont reconnues par Kellogg lui-même, qui présente constamment le projet sur Pittsburgh dans une sorte « d’entre-deux », comme un rejeton du journalisme militant et du professionnalisme universitaire, de la révolte morale et de la statistique. Le résultat final peut apparaître aujourd’hui comme un curieux mélange des genres, typique d’un contexte historique particulier :

‘« From the perspective of almost a century, it is possible to see the Pittsburgh Survey as an amalgam of three different strands of social research : investigative journalism, normal sociology or normal social science, and policy analysis. At the beginning of the twentieth century, these strands were imperfectly differientiated. »106

Toutefois, il ne faudrait pas prendre cet « amalgame » des formes et des pratiques pour de la naïveté. Il est clairement assumé par Paul Kellogg, conscient du caractère novateur, et donc encore imparfait, du projet. Par l’hommage à Riis et la revendication des « normes scientifiques » de son travail, il tente de concilier le sensationnalisme tempéré des muckrakers les plus lucides et l’exigence de l’époque pour la véracité des faits sociaux, sensible aussi bien dans les nouvelles disciplines universitaires que dans la vague des romanciers « réalistes », dont Lincoln Steffens fait d’ailleurs partie.

Cet équilibre entre ce que l’on pourrait appeler les élans du coeur et l’exigence rationnelle se trouve illustrée, dans le domaine propre de l’action philanthropique, par le changement de titre de la revue Charities, suite à la parution des premières conclusions du Survey. Un bref rappel de cet épisode permet de replacer plus précisément le travail de Paul Kellogg et de ses collaborateurs dans l’évolution des approches réformatrices et philanthropiques de la ville et de l’industrie du début du siècle.

Notes
106.

Anderson, Margo & Greenwald, Maurine W., « The Pittsburgh Survey in Historical Perspective », in Greenwald ; Anderson, op. cit., p. 10.