3. Les conflits industriels

Dans son introduction à The Steel Workers, de John Fitch, Paul Kellogg pose d’entrée le problème de la démocratie industrielle :

‘« Moreover, the largest employer of steel workers in Pittsburgh is the largest employer of steel workers in the country as a whole ; and the largest employer in America today. That employer is in the saddle. So far as the mills and the shifts that man them go, the steel operators possess what many another manager and industrial presidents has hankered after and has been denied - untrammeled control. What has this exceptional employer done with this exceptional control over the human forces of production ? Here our findings state concretely the problems of an industrial democracy in ways which can not be lightly thrust aside. »255

Quatre ans plus tard, la question reste en suspens, et les inquiétudes de Kellogg ne sont guère apaisées :

‘« Both in industry and civic life, then, Pittsburgh in 1914 - even more sharply than when the first investigators of the Pittsburgh Survey went into the field in 1907 - presents the clash between the Old World and the New. It puts the question whether the dominating group thrown into power by the process of the last half century is to set the meets and bounds of life and labor, and, battened down by its policies, we shall have in Pittsburgh the great flaring up of a repressed and divided people ; or whether in shop and borough, in trade group and city, through new contacts of understanding, new opportunities for growth and prosperity broad enough to embrace all men, democracy will yet merge the elements which make up congregate industry ; and like the old time puddler’s ball of raw metal, a new generation will ‘come to nature’. » 256

Lorsqu’il évoque le « nouveau » et l’ « ancien monde », Kellogg confirme les schémas de pensée que nous avons tenté de décrire jusqu’ici, celui d’une mutation difficile entre deux modèles de fonctionnement économique et social. Ce retour, dans l’un des derniers volumes du Survey, sur un sujet déjà évoqué dans The Steel Workers présente en outre l’intérêt de généraliser clairement - cela n’a pas toujours été le cas - la question de la démocratie industrielle à la vie de la communauté dans son ensemble. Ce n’est pas simplement dans l’organisation du travail, et de la vie à l’intérieur de l’usine (sujet principal du livre de Fitch), que se pose le problème des rapports sociaux, mais bien dans le fonctionnement de la société toute entière. Pour Kellogg, comme pour Fitch, l’Amérique ne peut faire l’économie d’une réflexion de fond sur cette question, sans quoi le risque d’une véritable explosion sociale n’est pas à écarter.

Si une telle crise devait avoir lieu, elle serait due sans doute aux nouvelles réalités démographiques (qui justifient en partie l’idée d’une « population divisée » reprise ici par Kellogg), mais aussi à l’attitude autoritaire des nouveaux patrons d’industrie. Tout l’ouvrage de Fitch tend à démontrer que la mécanisation, les horaires abrutissants, et les salaires insuffisants ôtent toute dignité humaine aux ouvriers sidérurgistes. Cette forme de tyrannie économique porte en elle les germes de la révolte. Il est donc temps de mettre en garde la nouvelle république industrielle contre les dangers d’un conflit chaque jour plus crédible, et qui risque de dépasser les formes acceptables des rapports sociaux :

‘« There are three ways in which the worker may interpose this opposition, the three that have already been mentioned : trade unionism, politics, revolution.

[...] The Pittsburgh steel workers are very nearly ready for a political movement. They are inwardly seething with discontent [...]

The workingmen of Pittsburgh or any other American community could not be roused overnight to the point of serious, premeditated, revolutionary violence. Agitation alone, however persistent, could never accomplish it ; but if the treatment that the steel companies are now employing toward their workmen be indefinitely prolonged, it will be hard to predict the ultimate action of the workers. Under such circumstances, if there should ever be a violent outbreak of any sort, the Corporation officials will not need to look far for a cause. Revolutions, however, do not necessarily involve violence. And through either the trade union or the political movement or through some other means, there is bound to be a revolution erelong that shall have as its goal the restoration of democracy to the steel workers. » 257

Selon Fitch, nul besoin de nourrir ces craintes de la menace des influences socialistes colportées par les nouveaux immigrants. De même, il ne suffit plus de mettre en garde contre la pauvreté, ni de fustiger les propriétaires sans scrupules des taudis ouvriers, comme le faisait Jacob Riis à New York en 1890.258 Ce type d’analyse mettant principalement en cause l’environnement urbain ne suffit plus après 1900. Ce n’est pas seulement la ville qui est en cause, comme elle l’était déjà au milieu du 19e siècle, mais bien les transformations que lui font subir ses nouvelles fonctions industrielles. Les Progressistes ne sont pas opposés par principe à cette évolution, mais craignent ses conséquences sur le fonctionnement démocratique du pays. Non seulement, on l’a vu, parce que les intérêts économiques prennent le pas sur le domaine politique, mais aussi, à l’autre extrémité de l’échelle sociale, parce que les contraintes de la vie industrielles imposent leur loi d’airain aux ouvriers, et que la révolte gronde. Les sidérurgistes décrits par Fitch ne sont plus des citoyens à part entière, et on craint qu’ils ne décident de reprendre le pouvoir de force.

Si cette peur peut paraître a posteriori irrationnelle, il faut toutefois la replacer dans son contexte immédiat. On s’apercevra alors, une fois de plus, que le choix de Pittsburgh comme sujet du Survey n’a rien d’anodin. Deux fois déjà, depuis le début de la mutation industrielle du pays, la région a été secouée par des conflits sociaux extrêmement violents, qui ont marqué l’opinion publique américaine aussi profondément que la fameuse crise des usines Pullman, près de Chicago, en 1894. En 1877, la Pennsylvanie connaît notamment une grève extrêmement dure dans les mines d’anthracite du Nord-Est, qui s’achève par l’exécution de 20 mineurs irlandais. Mais cette même année, Pittsburgh est surtout le théâtre d’émeutes sans précédent lors de la grève ayant suivi la décision d’un certain nombre de compagnies de chemin de fer de baisser les salaires de ses employés. Des incidents avaient eu lieu dans diverses villes, comme Baltimore, Buffalo ou Chicago. Mais nulle part la résistance des ouvriers, auxquels se joignent bientôt la milice locale et l’essentiel de la population, n’avait été aussi déterminée qu’à Pittsburgh. Face à l’intervention de soldats venus de Philadelphie, la résistance tourne à l’insurrection, les magasins sont pillés, des coups de feu échangés : la ville doit être momentanément laissée aux mains de la foule, le temps qu’une intervention musclée des troupes fédérales ramène la population de Pittsburgh à la raison. Cet épisode extrêmement violent est d’autant plus révélateur qu’il dresse, de manière sans doute un peu simpliste, la puissance des monopoles industriels (associés au gouvernement fédéral) face à une communauté locale encore relativement cohérente et unie. D’une manière symbolique, il s’agit là de l’un des derniers soubresauts du modèle ancien de société, face au « nouveau monde » dont parlera Kellogg 30 ans plus tard.

Car au moment du Survey, les événements de 1877 restent d’autant plus présents dans la conscience collective que Pittsburgh a connu d’autres troubles tout aussi graves en 1892, comme pour annoncer les événements de Pullman. Cette fois-ci, le conflit se pose clairement selon les schémas du nouveau monde industriel, mettant face-à-face l’employeur et les ouvriers, Frick (alors adjoint d’Andrew Carnegie) et les sidérurgistes de Homestead. Une nouvelle période de ralentissement économique ayant amené la direction des usines Carnegie a annoncer une baisse des salaires, le syndicat majeur de la région (et de cette branche d’activité), l’Amalgamated Association of Iron, Steel and Tin Workers, appelle au débrayage. Tout porte à croire que Frick, défait lors d’un conflit similaire en 1889, cherche en fait une occasion de briser l’organisation syndicale. Les quatre mois de conflit, intenses, sont ponctués d’un attentat contre sa personne, de la fermeture de l’usine, et surtout de coups de feu échangés entre la milice privée des Pinkertons, engagés pour l’occasion, et la foule des grévistes : le six juillet, on relève 16 morts. Dans la préface de son livre publié dès l’année suivante, et largement favorable aux grévistes, Arthur G. Burgoyne résume à la fois les principaux événements et l’ampleur de l’onde de choc provoquée par les événements :

‘« The importance of the theme requires no demonstration. Since labor first organized for its own protection it has passed through no period more prolific in soul-stirring events and significant developments than that extending from July to November, 1892, and including the lock-out of the Carnegie mills, the battle with 300 Pinkerton guards, the military occupation of Homestead, the trial of labor leaders on capital charges and the ultimate collapse of the Amalgamated lodges for lack of funds to continue the struggle against non-unionism. This was a conflict of far more than local interest. It was watched with anxiety by both friends and foes of organized labor on both sides of the Atlantic ; it claimed the attention of leaders of thoughts in all departments of human activity ; it stirred up the British House of Parliament and the United States Congress, agitated the newspaper press of both continents, became an issue in the election for President and is said to have contributed more largely to the defeat of Benjamin Harrison by Grover Cleveland than any other influence. » 259

Quinze ans plus tard, le conflit reste vivace dans la mémoire collective de Pittsburgh et de ses habitants. Dans son volume, John Fitch prend longuement soin de rattacher cette crise à la tradition d’action sociale de la région, remontant même jusqu’en 1858.260 Margaret Byington, qui consacre le premier chapitre de Homestead aux événements de 1892, témoigne de la prégnance des souvenirs sans la population ouvrière de la communauté :

‘« The resulting bitterness made itself felt for years in the relation of the men to the Carnegie Company. When you talk with a skilled and intelligent man who is still refused work in any mill of the United States Steel Corporation because of the part he played in that strike, over fifteen years ago, you realize why the passions it aroused have not died out. »261

Ces mêmes événements figurent en bonne place dans une histoire de la ville écrite par Samuel Harden Church, dont la vision des choses est radicalement différente de celle de Burgoyne, de Byington ou de John Fitch. Dans cet ouvrage contemporain du Survey, les conflits de 1877 et de 1892 sont présentés comme des émeutes séditieuses, dont la nature sociale est escamotée. Pour Church, c’est la lutte manichéenne de la morale contre le désordre, de la communauté contre les insurgés, qui s’est jouée, en deux actes, à Pittsburgh et à Homestead. A chaque fois, pour lui, les coupables n’étaient pas issus des milieux ouvriers, mais appartenaient aux « pires éléments de la population », rassemblés pour satisfaire des « tendances vicieuses », et attirés par « la perspective d’un pillage »262. L’analyse de Church ne fait que reprendre les termes du « Comité de Salut Public » mis en place à l’époque par les autorités de la ville pour préserver un semblant d’ordre dans les rues, et dont une déclaration suggère à quel point la municipalité tente de préserver l’image illusoire d’une communauté unie, seulement menacée par quelques individus incontrôlables :

‘« The Committee of Public Safety [...] deeming that the allaying of excitement is the first step toward restoring order, would urge upon all citizens disposed to aid therein the necessity of pursuing their usual avocation, and keeping all their employees at work [...] The committee believe that the mass of industrious workmen of the city are on the side of law and order, and a number of the so-called strikers are already in the ranks of the defenders of the city, and it is quite probable that any further demonstration will proceed from thieves and similar classes of population, with whom our working classes have no affiliation and will not be found among them. » 263

La fiction ainsi entretenue par ce comité, rassemblé à la Chambre de Commerce de Pittsburgh, est celle d’une communauté économique à laquelle seuls les « voleurs » et leurs semblables refuseraient de participer. Les ouvriers, citoyens égaux - et pourtant singularisés ici - sont élevés au rang de défenseurs de la ville. On ne peut toutefois s’empêcher de trouver à ces quelques lignes les accents d’une imprécation dirigée précisément vers ces « classes laborieuses » sur lesquelles la ville espère plus ou moins sincèrement pouvoir s’appuyer.

La réalité historique est tout autre, et la solidarité à laquelle il est fait appel pour ramener l’ordre à Pittsburgh est déjà largement remise en cause à l’époque. Les grèves se sont en fait multipliées dès les années 1880. Il faut dire que malgré la prospérité apparente, le coût de la vie augmente régulièrement (35 % entre 1897 et 1913),264 et que les salaires ne suivent pas. On a pu calculer par exemple qu’entre 1890 et 1910, le produit national net américain avait augmenté de 290 %, tandis que les salaires réels ne gagnaient que 2 % : entre 1893 et 1900, le revenu des salariés baissa même de 10 %, notamment du fait des récessions de 1893 et 1896, durant lesquelles jusqu’à 20 % de la main-d’oeuvre était au chômage.265 Il n’est guère étonnant qu’autour de 1900, le nombre de travailleurs syndiqués augmente de manière spectaculaire. Au total, aucune de ces données n’encourage à penser, comme font mine de la faire les autorités de Pittsburgh, que les événements de 1892 ne sont dus qu’à quelques pillards et agitateurs isolés.

Dès 1886, Grover Cleveland avait d’ailleurs fait la première déclaration présidentielle de l’histoire des Etats-Unis consacrée à la question ouvrière, marquant ainsi officiellement la naissance d’une catégorie sociale aux caractéristiques propres, et donc susceptible d’engendrer des difficultés nouvelles.266 De fait, le mot alors utilisé par Cleveland, « labor », cristallise en quelque sorte le sentiment contemporain sur l’évolution des représentations sociales. L’expression « labor problem » apparaît au tournant du siècle, alors même que le sens du mot, pris isolément, devient plus restrictif :

‘« Labor, to antebellum society, did not define a class of people or characterize the activity of the wage-worker. Instead [...] it represented a classless definition encompassing small businessmen, farmers, and craftsmen, as well as ordinary workers. The ideal goal of work was to accumulate enough capital to obtain a business for oneself [...] By the advent of a mature industrial society later in the century, the term ‘labor’ had come to denote a distinct class of wage workers, separated by the growth of workers’ neighborhoods, widened by the ‘alien’ ways of immigrants, and distanced by the growing inequities of economic distribution. » 267

Le discours de 1892, repris par Samuel Harden Church en 1908, n’est donc qu’une manière de masquer une réalité sociale que de nombreux contemporains ont déjà devinée, et que les deux grands conflits de Pittsburgh et Homestead ont mis en évidence avec une violence dont personne ne songe alors à minimiser l’ampleur. En retournant à Homestead, en 1907, avec le projet de consacrer un volume du Survey à la vie quotidienne de cette communauté ouvrière, Margaret Byington a clairement à l’esprit la valeur symbolique de ce lieu. L’ombre des 16 morts de 1892 plane encore au-dessus de la ville, et elle avoue sentir aussitôt « que les passions ne se sont pas éteintes ».268 Mais il n’est pas seulement question ici d’un fait divers tragique, comme tentent de le faire croire ceux parmi ses contemporains qui se range à la thèse du pillage et de l’insurrection. Pour Byington, comme pour tous les Progressistes, c’est à nouveau la question de la démocratie qui est au coeur du débat. La défaite des sidérurgistes a ôté à ces derniers leurs derniers espoirs de participer activement à façonner la nouvelle société américaine. La victoire de Frick, au contraire, signifie que les grands industriels sont aujourd’hui à même de régenter, à tous les niveaux, les communautés qui se sont créées autour de leurs usines :

‘« There was involved a question of social equity apart from whether the union carried its interference in mill administration to unwarranted lengths, or whether the company had grounds for adopting its inflexible policy of suppressing any labor organizations among the men. This question was whether the workmen in the industry were to profit in the long run by improved and cheapened processes of production ; in other words, was mechanical progress to mean a real increase of prosperity to the community as the years passed.

The union ceased to exist, and since that date those common factors in employment which circumscribe a man’s life, - his hours, his wages, and the conditions under which he works, - and which in turn vitally affect the well-being of his family ; these he was to have less and less share in determining. » 269

Il convient d’abord de remarquer la distinction effectuée ici entre le lieu de travail et la communauté urbaine. En 1892, le Comité de Salut Public de Pittsburgh défendait l’usine et la ville, ensemble, contre la foule des insurgés. D’une certaine façon, cette vision était encore ancrée dans le modèle d’une ville intégrée, spatialement et économiquement, où les activités industrielles étaient mêlées à l’habitat et au commerce. Pour les Progressistes au contraire, l’usine n’appartient plus de droit à la communauté urbaine, même lorsqu’elle lui a donné naissance, comme c’est pratiquement le cas à Homestead. Elle constitue un milieu hétérogène et potentiellement dangereux, dans la mesure où ses principes et ses contraintes débordent de son enceinte pour s’imposer à la vie sociale.

Cette peur puise une partie de son explication dans les nouvelles nuances apportées au mot « progrès ». Le terme n’est pas employé isolément par Byington, qui ne parle que de « progrès mécanique ». L’évolution technique n’aurait donc pas pour corollaire naturel une amélioration générale des conditions sociales. Cette nouvelle distinction renforce la crainte des Progressistes vis-à-vis des effets de la discipline industrielles hors du cadre strict du lieu de travail. Ce qui fonctionne efficacement à l’intérieur de l’usine ne permet pas forcément d’apporter le progrès social, notamment parce que la discipline indispensable au bon déroulement du processus industriel a réduit à néant toute velléité de participation active des ouvriers. Il est révélateur que Byington rejette au second plan le problème des relations entre syndicats et employeurs : ce qui l’intéresse, plus que les relations industrielles au sens restreint du terme, ce sont évidemment les conséquences civiques de cette victoire sans partage de Frick, car les sidérurgistes forment une nouvelle classe, exclue de la vie démocratique en même temps qu’elle perd le combat pour le respect des accords salariaux. Le poids de l’industrie dans la vie locale est tel que la perte d’initiative sur le lieu de travail signifie aussi, d’après les Progressistes, un abandon de toute responsabilité civique. De ce point de vue, les conflits de 1877 et de 1892 sont compris par les Progressistes comme une preuve supplémentaire des dysfonctionnements du nouveau modèle de société qui s’impose aux Etats-Unis. Pittsburgh se révèle à travers ces crises comme un point névralgique du nouveau paysage américain, non seulement du point de vue économique et industriel, mais aussi du point de vue politique.

Ainsi, lorsque Paul Kellogg, signe en 1908 l’un des nombreux textes où il tente d’expliquer la pertinence de l’entreprise du Survey, il écrit :

‘« The intersection point is the key to the work of a surveyor. In so far as typhoid fever is a prime measure of civic neglect, Pittsburgh is first ; in so far as work accidents are the crudest exponents of industrial irresponsibility, Pittsburgh is first. Either one of these facts would give Pittsburgh a claim for consideration for the purposes of such a survey. Together they mark it off. » 270

Au-delà des deux exemples spécifiques choisis par Kellogg, parmi tant d’autres problèmes soulevés par le Survey, il faut donc retenir que Pittsburgh est le lieu révélateur où se croisent certaines des grands mouvements de fond qui traversent la société américaine et la transforment complètement. Soulignons encore que les termes choisis par Kellogg, « négligence » et « irresponsabilité », replacent clairement le débat sur le plan éthique. Les statistiques de mortalité par typhoïde, ou celles qui recensent les accidents du travail dans les usines de Frick et Carnegie, ne sont finalement que les traces concrètes du malaise profond d’une société sans unité, ou sans « coeur », pour reprendre le terme choisi par Robert Wiebe. Il se trouve en outre que le contexte particulier de l’année 1907 ne fait qu’exacerber les symptômes de ce malaise.

Notes
255.

Kellogg, Paul, « Editor’s Foreword », in Fitch, John A., op. cit., p. xix.

256.

Kellogg, Paul, « Community and Workshop », Wage-Earning Pittsburgh, p. 30.

257.

Fitch, op. cit., p. 243.

258.

Jacob A. Riis, How the Other Half Lives, New York : Dover [Charles Scribner’s Sons], 1971 [1890], p. 229. Rappelons pour mémoire quelques lignes de la conclusion de cet ouvrage où Jacob A. Riis dénonce, à l’aide de photographies, la misère grandissante des taudis de New York : « While I was writing these lines I went down to the sea, where thousands from the city were enjoying their summer rest. The ocean slumbered under a cloudless sky. Gentle waves washed lazily over the white sand, where children fled before them with screams of laughter. Standing there and watching their play, I was told that during the fierce storms of winter it happened that the sea, now so calm, rose in rage and beat down, broke over the bluff, sweeping all before it. No barrier built by human hands had the power to stay it then. The sea of a mighty population, held in galling fetters, heaves uneasily in the tenements. Once already our city, to which have come the duties and responsibilities of metropolitan greatness before it was able to fairly measure its task, has felt the swell of its resistless flood. If it rises once more, no human power may avail to check it. The gap between the classes in which it surges, unseen, unsuspected by the thoughtless, is widening day by day. »

259.

Burgoyne, Arthur G., The Homestead Strike of 1892, Pittsburgh : University of Pittsburgh Press [Rawsthorne Engraving and Printing Co.], 1982 [1893], p. iv. Lors de la campagne présidentielle de 1892, Cleveland et les Démocrates proposèrent de renforcer les lois anti-trust et la législation du travail, ce qui explique sans doute le dernier commentaire de Burgoyne. Cela n’empêche pas Cleveland de faire intervenir les troupes fédérales pour ramener l’ordre à Chicago, lors de la grève Pullman de 1894.

260.

Fitch, op. cit., chapitre X.

261.

Byington, op. cit., p. 10.

262.

Church, Samuel Harden, A short history of Pittsburgh, 1758-1908, New York : Devine Press, 1908, pp. 59, 63.

263.

Ibid., p. 69.

264.

De Santis, op. cit., p. 150.

265.

Nash, op. cit., chapitre 1. Pour certains historiens, la proportion d’Américains connaissant le chômage de manière plus ou moins continue s’élèvent au début du 20e siècle à environ 30 %. Voir Painter, Nell I., op. cit., p. xx.

266.

Wiebe, op. cit., p. 45.

267.

Watts, Sarah Lyons, Order against chaos - Business culture and labor ideology, 1880-1915. New York : Greenwood Press, 1991, p. 7.

268.

Byington, op. cit., p.10.

269.

Ibid., p. 11.

270.

Kellogg, Paul U., « Why are we doing a Pittsburgh Survey », cité in Stange, Maren, Symbols of ideal life : social documentary photography in America, 1890-1950, Cambridge : Cambridge University Press, 1989, p. 49.