Le thème de l’accident industriel est parallèle à ceux de la contamination et de la maladie, qui conduisent à lire Pittsburgh à la fois comme un corps social affaibli et comme un environnement nocif. Le diagnostic, appliqué strictement à l’espace urbain et non seulement à l’usine, met en évidence une séries de pathologies urbaines ; au sens strict, avec des maladies telles que la typhoïde, mais aussi au sens figuré. La cité est en effet un milieu pathogène, qui décime sa propre population, signant par cette hécatombe sa propre perte. L’affaiblissement physique et psychologique des citoyens est à la fois le symptôme d’une ville en déliquescence et une hypothèque sur l’avenir de la cité, selon un modèle exactement parallèle à celui qui fait de l’accident industriel le signe de l’inefficacité économique et sociale de l’usine.
Une problématique de type hygiéniste, qui remonte pour les Etats-Unis au milieu du 19e siècle,581 est ainsi reprise et amplifiée par le Survey, où se mêlent deux thèmes : d’une part celui de la contamination de l’espace urbain par la maladie, et d’autre part celui de l’inadéquation de la ville à ses fonctions sociales essentielles. Ces deux motifs donnent lieu à des représentations photographiques mettant en évidence la promiscuité et les déchets de toute nature. Sur ces images, Pittsburgh est présentée comme la décharge de l’industrie, dont elle recueille les hommes malades, les eaux usées, ou l’air pollué.
Ces photographies fonctionnent de pair avec une abondante iconographie de l’enfance, mode de figuration privilégié de l’échec de la cité en tant que corps social. Pour y faire face, les auteurs du Survey proposent une série d’institutions spécifiques censées encadrer l’enfance de Pittsburgh et préserver l’avenir de la démocratie.
Weil, François, Histoire de New York, Paris : Fayard, 2000, p. 118.