1.2.2.1. L’Arabe Littéraire Ancien et la langue du Coran

Il existe, en Egypte et en Syrie, ‘écrits’ sur les murs de temples, quelques rares documents en arabe ancien datant du 3e et 4e siècle. Avec les poésies et les chroniques en prose datant de l’époque antéislamique qui nous sont parvenues, ces ’textes’ originaux constituent des pièces documentaires informatives quant à la forme de la langue arabe au moment où commence la prédication du prophète Mahomet au 7e siècle de l’ère chrétienne. La nature et l’origine de cette langue de la littérature antéislamique ont donné lieu, dès le Moyen-Age, à des recherches exclusivement menées dans un cadre théologique et religieux.

Le Coran, qui n’est rien d’autre que la parole divine telle qu’elle a été recueillie textuellement par le prophète, est ’articulé’ dans une langue très proche de celle utilisée dans les documents en arabe littéraire ancien. Mahomet, originaire de l’ouest de la péninsule arabique (région du message URL Hdot.gifi message URL garc.gifāz dans l’actuelle Arabie Saoudite) et reconnu ‘non-lettré’, n’a pu transmettre qu’un texte en ’ message URL Hdot.gifi message URL garc.gifāzien’ (i.e. parler de la Mecque), dans le dialecte de la tribu des Qoraych, à laquelle il appartenait.

Selon cette hypothèse, la langue littéraire procèderait de ce parler. Cette thèse, souvent défendue pour des raisons théologiques évidentes, nous semble néanmoins peu probable, dans la mesure où le parler mecquois (i.e. parler de citadins) ne devait pas jouir d’un grand prestige aux yeux des populations nomades, ce qui constitue un frein à l’expansion de ce parler comme langue inter ou supra tribale. En revanche, il est possible que certains particularismes propres au dialecte du prophète transparaissent dans la langue littéraire. Quoi qu’il en soit, le problème des bases concrètes de la norme attribuée à l’arabe littéraire demeure. S’agit-il d’un dialecte unique promu au rang de langue ? D’un mélange de dialectes ayant mené à la création d’une ‘koïné littéraire’ (D. Cohen, 1970a) ou du parler, considéré comme plus prestigieux, d’une cité ou d’un groupement humain particulier ?

Aussi loin que l’on remonte, la langue de la poésie et du Coran apparaît comme la ’norme idéale’. Elle constitue une sorte de ’schème primordial’ dont tous les usages parlés sont des réalisations déficientes et corrompues du ’Verbe sacré’. Bien que tous les philologues arabes aient été tentés d’attribuer cette norme à l’une ou l’autre des tribus arabes, leurs choix concernant l’identité originelle de l’arabicité ont toujours été - si ce n’est subjectifs - tout au moins un choix parmi tant d’autres. Il est néanmoins possible, en dépit de la diversité des opinions, de localiser une zone consensuelle située au Centre-Est de la péninsule arabique (i.e. région du Nejd) dont les usages dialectaux semblent correspondre aux fondements linguistiques de l’arabe littéraire.

Néanmoins, la caractérisation de la langue littéraire par comparaison avec les parlers est, aujourd’hui encore, considérée comme essentiellement négative. La ’bonne langue’ devant être dépourvue des traits linguistiques propres à l’un ou l’autre des parlers arabes. L’articulation littéraire consiste donc à effacer ces différences au profit d’usages archaïques, déjà disparus de la langue parlée à cette époque, mais connus par le biais de la transmission orale des textes poétiques antéislamiques.

La langue littéraire peut donc être définie comme un usage archaïsant et normatif des dialectes du Nedj. Celle-ci a ensuite rapidement dépassé les limites géographiques du Centre-Est de la péninsule pour s’étendre comme langue littéraire commune à l’ensemble du domaine, devenant ainsi véhicule du message coranique, facteur d’unification et de diffusion linguistique.