Entre le 8e et le 9e siècle de notre ère, l’Islam règne sur un immense empire structuré par une administration centralisée qui aspire à faire de ‘l’arabe’ l’instrument d’expression. Dès cette période, le problème de la normalisation de la langue et de son adaptation à un rôle ‘politique’ émerge. La première Grammaire Arabe (i.e. ‘Al-Kitab’) fut rédigée dans ce contexte par Sibawahi au 8e siècle4. Cependant, plus qu’une volonté d’organisation de la langue, ce sont des préoccupations religieuses qui donnèrent l’impulsion à ses recherches. L’objectif de cette standardisation était d’éviter, par la constitution d’un ensemble de règles normatives, les risques de corruption de la parole divine pouvant résulter de la manipulation de la langue par les nouveaux convertis d’origine non-arabe et d’assurer par là même ‘la pureté linguistique’ du texte sacré, révélé en arabe dit ‘littéraire’ ou ‘classique’.
La méthode utilisée dépasse largement l’analyse grammaticale et lexicale du Coran. L’approche, purement descriptive, est basée sur l’étude de trois sources considérées comme fidèles à la norme : le Coran, la poésie anté-islamique et le parler des bédouins originaires de la région de l’auteur (i.e. Al-Basra, Sud Irak). A l’issue de ses travaux, Sibawahi propose d’une part, une description articulatoire fine du système phonologique de ’l’arabe littéraire classique’, «véhicule de l’expression écrite et base immuable du bon usage» (Fücks, 1955) ; d’autre part, il ouvre la voie aux études dialectologiques dites ‘de terrain’5 en soulevant d’ores et déjà le problème de la variabilité inter-dialectale.
Mais avec le développement de l’Islam et l’application des principes théologiques et juridiques nouveaux qui en découlent, la langue classique dut, au fil des siècles, admettre de plus en plus de termes nouveaux, souvent concrets et d’origines diverses. En s’appuyant sur les travaux des Grammairiens Arabes, la langue classique commença à se moderniser en adaptant tout d’abord des termes anciens à des significations nouvelles, en intégrant ensuite des néo-formations soit par dérivation soit par emprunts directs.
En Europe, les études dialectologiques ont commencé à la finu du 19e siècle avec les publications des orientalistes comme W. Marçais (1902). Au 20e siècle, plusieurs chercheurs ont étudié les systèmes phonétiques des différents dialectes et parlers arabes comme W. Marçais, (1956a), Cantineau (1955-1960), Colin, (1975), Brunot (1956), Jackobson (1957), Singer (1958), Beaussier (1958), Cohen, (1962-1965-1970-1973), Bloch (1965), Fisher (1967-1980-1982), Kästner (1981) Ibrahim (1990), Grand-Henry (1991), Isaksson (1994-95). L’arabe attirait l’attention de certains chercheurs qui appliquaient dans leurs recherches des méthodes de la phonétique moderne à la langue arabe (Gairdner (1925), Al-Ani (1970), Ali & Daniloff (1972), Bonnot (1972-1976-1979), Ghazali (1977(a) et 1977(b)-1979-1981-1982) etc. Toutes ces investigations ont contribué à progresser dans la description des systèmes phoniques des parlers arabes.