Les parlers Arabiques du Sud-Ouest : ce groupe englobe les parlers arabes du Yémen, de Hadramout, de Aden, ainsi que les dialectes shiites de Bahrein.
Les traits spécifiques aux parlers du Yémen sont répertoriés dans Kaye (1990) et Feghali (1991). Ils se caractérisent par une prononciation occlusive vélaire (i.e. [g]) de la post-alvéolaire classique /
/, par un maintien du ’qaf’ uvulaire (i.e /q/), et par l’absence de fricatives interdentales remplacées par des occlusives. De ce point de vue, il s’agit plus particulièrement de parlers de type ’fusionnels’ ayant, au cours de leur évolution, confondu les phonèmes /
/ et /d
/ en /d
/.
Prochazka (1974) se base sur une caractéristique singulière de la morphologie verbale de certains parlers yéménites (comme le ’
Ta
izz’) pour établir la classification des parlers de cette région. Ce trait concerne la marque de la première et seconde personnes du singulier, marquée par le suffixe [-t] en yéménite au lieu de [-k] dans tous les autres parlers arabes (e.g. [qultu] vs. [qulku] ’j’ai dit’ et [qult] vs. [qulk] ’tu as dit’). Notons que cette caractéristique se retrouve dans les langues sud-arabiques (i.e. Mahri et Soqotri) ainsi que dans les langues éthiopiennes, ce qui autorise les auteurs à attribuer cette spécificité aux contacts linguistiques existant dans cette région.
Par ailleurs, l’opposition entre parlers de nomades vs. parlers de sédentaires s’effectue au Yémen de façon particulière. Elle consiste dans les parlers de bédouins, à maintenir et à allonger la voyelle finale des verbes à l’accompli (première et seconde personne du singulier) alors que dans les parlers de sédentaires, cette voyelle chute (e.g. [qulku:] vs [qulk] ’j’ai dit’). D’autres particularismes dialectaux de cette région sont étudiés dans Behnstedt (1987 et 1992), Vanhove (1995a 1995b, 1995c et 1996) et Simeone-Senelle (1996). Nous ne rappellerons ici que certains traits phonético-phonologiques spécifiques, comme la réalisation fricative [
]
13 de l’ancienne occlusive uvulaire /q/ généralement attribuée à l’influence de l’Himyaritique qui couvrait anciennement la région. Dans les parlers de ce type il n’existe pas de réalisation [g] pour /q/ et le phonème classique /
/ était prononcé [
]. Néanmoins, cette dernière réalisation n’est plus attestée aujourd’hui que chez les locuteurs âgés et tend à disparaître au profit d’une réalisation classique (i.e. /q/) (Vanhove, 1995a). Enfin, Bahrein constitue selon Blanc une aire de
’major communal differenciation’ (in Holes, 1987:16). La population se divise en deux groupes : d’une part, les ’arabes sunnites’ descendants des envahisseurs bédouins du 18
e siècle; d’autre part, les ’Bahreini shiites’ d’origine sédentaire. Le parler des premiers atteste les caractéristiques phonétiques suivantes : /q/ > [g] ; /k/ > [
] /_voyelle antérieure, /
/ = [
] et on note la conservation des fricatives interdentales. De manière générale, les parlers des ’shiites’ (linguistiquement proches des parlers de l’Est de la Péninsule Arabique) s’opposent aux parlers des ’sunnites’ par un traitement différencié des fricatives interdentales soit : /
/ > [f] ; /
/ > [d] et /
/ > [d
], par des réalisations du ’jim’
14 particulières, par le passage de /q/ à [k
] et de /
/ à [j]. Il convient cependant de noter que l’on assiste actuellement à la disparition progressive des relations existant entre les catégories sociales et religieuses et certains traits phonétiques. En effet, on observe que parallèlement au développement d’environnements religieux mixtes au sein desquels évoluent des locuteurs appartenant aux deux groupes dialectaux, les parlers Bahreini contemporains tendent à évoluer vers des formes religieusement neutres (Holes, 1983, 1984 et 1986 ).