Même si le concept de territoire pose à lui seul bien trop de questions pour pouvoir être abordé ici en détail32, il importe de préciser ce que nous entendons par « identification » dans ce chapitre, et notamment, les rapports entretenus par ce concept avec un autre thème fort du domaine dans lequel s’inscrit cette partie de notre travail, soit « l’évaluation ».
On peut penser qu’identification et évaluation s’inscrivent dans un processus identitaire commun. En tant que l’un des mécanismes de la construction de l’identité, l’identification pourrait ne faire sens pour les locuteurs que si elle peut s’aborder à partir d’évaluations préalables. Cependant, d’un point de vue méthodologique et a fortiori sociolinguistique, il peut s’agir de moments distincts.
L’évaluation 33 caractérise la relation des acteurs sociaux à la norme ou à la forme d’énoncés : les leurs et/ou ceux d’autres personnes. L’identification va ici concerner le mouvement qui va faire s’approprier (ou se différencier) au niveau linguistique, un locuteur – ou un groupe de locuteurs – par rapport à un autre sur la base de la reconnaissance de marqueurs linguistiques posés comme caractéristiques d’une région (i.e. Maghreb vs. Moyen-Orient).
Identification et évaluation relèvent du même processus : en effet, par la reconnaissance d’une façon de parler chez autrui, un locuteur effectue ce processus de différenciation (voire d’annexion) qui au final – sauf masquages, simulations ou autres ruses de déguisement de la voix – révèle que lui-même parle différemment. En identifiant autrui, le locuteur (re)construit sa propre identité socio-linguistique.
Pour une définition complète de la notion de « territoire » en sociolinguistique, voir la synthèse de Tizon (1996).
Voir à ce propos les travaux de Peytard (1992) qui rapportent le caractère central du concept d’évaluation chez Labov.