2.3. Identification perceptuelle des parlers arabes et détermination expérimentale d’indices acoustiques discriminants

Les travaux relevant de l’identification dialectale arabe sont peu nombreux. A notre connaissance, seules deux recherches ont abordé — de manière indirecte — le problème  de la variabilité interdialectale arabe au niveau phonétique. Abu-Haidar (1991) propose une analyse des variations (qualitatives et quantitatives) encourues par le système vocalique de l’arabe standard en fonction de l’origine dialectale des locuteurs. Rjiabi-Sabhi (1993) se base elle aussi sur les réalisations phonétiques de trois phonèmes consonantiques appartenant à l’inventaire phonologique de l’arabe standard (i.e. les fricatives interdentales  / message URL theta.gif   message URL delta.gif   message URL delta.gif message URL exposant.gif /) — dont on a rappelé dans le chapitre précédent les évolutions phonétiques dans les message URL delta.gif message URL exposant.gif différents dialectes — pour identifier l’origine dialectale de locuteurs arabophones s’exprimant en arabe moderne. L’idée maîtresse qui sous-tend ces deux travaux étant que le système phonologique du dialecte des sujets transparaît au niveau de la production d’arabe standard sous la forme de transferts linguistiques.

Notre approche se distingue de celles développées dans les travaux cités plus haut en ce sens qu’elle se base non pas sur la production, mais sur la perception de ces marqueurs linguistiques35. Par ailleurs, nous avons préféré travailler directement sur les formes vernaculaires de l’arabe afin de contrôler toute tentative de normalisation perceptuelle vers la variété standard dont les effets pourraient conduire à la « non-perception » des traits dialectaux les plus typiques (effet de filtre).

Comme nous l’avons vu tout au long du premier chapitre, chaque parler arabe présente des caractéristiques qui lui sont propres. Celles-ci peuvent être d’ordre phonético-phonologique, morpho-syntaxique, lexical et/ou prosodique. Certains parlers ont « innové » à l’intérieur de chacun de ces domaines et ne présentent aujourd’hui que peu de traits communs avec les autres variétés dialectales. De ce fait, les rapprochements linguistiques sont parfois difficiles à établir. Cependant, cet état de fait nous a conduit à avancer l’hypothèse selon laquelle ces caractéristiques pourraient constituer — si elles sont perçues par les sujets — un faisceau d’indices de discrimination dialectale pertinent dans le cadre d’une tâche d’identification dialectale.

Afin de vérifier cette idée, nous avons mis en place une expérience perceptuelle de discrimination interdialectale à partir de parole naturelle. Cette étude a été menée auprès de locuteurs arabophones natifs originaires de différents pays du Maghreb et du Moyen-Orient.

Notes
35.

Néanmoins, l’approche utilisée dans ces travaux semble intéressante dans le cadre d’une recherche d’indices dialectaux caractéristiques basée sur la production de parole en ce sens que les traits caractéristiques « transférés » dans les productions en arabe standards des locuteurs arabophones de même origine dialectale pourraient a priori être considérés comme (1) particulièrement représentatifs de ce dialecte, (2) résistants au processus de contrôle mis en oeuvre dans les situations de code-switching et donc particulièrement discriminants pour l’identification dialectale.