2.3.2.2.1 Identification perceptuelle « inter-zone »

On constate par ailleurs, une dissymétrie importante des scores associés à la distinction des parlers intra et inter zones selon l’origine des sujets. Le décalage entre les taux d’identification correcte obtenus par les sujets maghrébins pour la discrimination des parlers orientaux sont globalement inférieurs à ceux obtenus par les sujets orientaux pour la discrimination des parlers du Maghreb.

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Figure 7: Scores d’identification (en %) des stimuli maghrébins en fonction de l’origine dialectale des sujets
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Figure 8 : Scores d’identification (en %) des stimuli orientaux en fonction de l’origine dialectale des sujets

Les taux moyens d’identification des parlers intra et inter zones obtenus par les deux populations correspondent respectivement à 78 % et 32 % pour les sujets maghrébins (MA) et 90 % et 59 % pour les sujets moyen-orientaux (MO). Ces valeurs moyennes calculées sur la base des scores d’identification correcte obtenus par chacun des sujets pour la discrimination de l’un et l’autre des deux types de stimuli (i.e. appartenant à la même zone que le dialecte d’origine vs. appartenant à la zone opposée) apparaissent dans la matrice de confusion suivante (tableau 9) et apparaissent sur la figure 9.

Tableau 9 : Matrice de confusion des scores d’identification par pays (%) en fonction de l’origine dialectale des sujets et de la nature des stimuli
Sujets MA/Stim MA Sujets MA/Stim MO Sujets MO/Stim MA Sujets MO/Stim MO
Stim MA Stim AL Stim TU Stim SY Stim LI Stim JO Stim MA Stim AL Stim TU Stim SY Stim LI Stim JO
94 63 67 31 35 19 33 54 75 90 75 88
88 92 48 27 33 38 69 48 65 96 94 100
73 85 96 23 46 35 56 83 46 83 85 100
Moyenne 78% 32% 59% 90%
E.T 17 8 16 8
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Figure 9 : Scores d’identification intra et inter zones observés chez les deux populations de sujets.

Les taux d’identification correcte obtenus par les sujets maghrébins (MA) pour la discrimination des parlers moyen-orientaux (32%) présentent une différence très significative en comparaison des résultats obtenus pour l’identification des parlers maghrébins plus ou moins proches de leur dialecte d’origine (78%) [t(8) = 149, p ≤ .0001]. De la même manière, les taux d’identification des sujets orientaux attestent des valeurs nettement différenciées selon qu’il s’agisse d’un stimuli maghrébin (59%) ou moyen-oriental (90%) [t(8) = 224, p ≤≤ .0001].

Par ailleurs, on observe que pour la même tâche (i.e. discrimination par pays des stimuli n’appartenant pas à la zone dialectale d’origine), les deux populations font preuve d’un comportement différent : alors que les sujets moyen-orientaux parviennent à identifier correctement 59% des stimuli maghrébins, les sujets maghrébins présentent, eux, un taux de discrimination des stimuli orientaux de l’ordre de 32% seulement. Cette remarquable dissymétrie dans les proportions de reconnaissance des parlers inter-zones se révèle statistiquement significative [t(8) = 4, p = .0023].

Notons enfin que les scores obtenus par les deux populations pour l’identification des 48 stimuli maghrébins — soient 78% pour les sujets maghrébins et 59% pour les sujets orientaux — présentent une différence plus significative encore [t(8) = 184, p ≤ .0001]. On retrouve la même opposition pour la discrimination des stimuli moyen-orientaux, puisque les sujets maghrébins présentent un taux d’identification correcte de 32%, largement inférieur à celui obtenu par les sujets originaires de l’Est (90%). Cette différence s’avère elle aussi largement significative [t(8) = 170, p ≤ .0001].

En guise de première conclusion, nous dirons que l’ensemble des résultats présentés ci-dessus corroborent deux de nos trois hypothèses de départ, à savoir : (1) que l’on reconnaît significativement mieux les parlers proches du dialecte maternel, (2) que la discrimination des parlers appartenant à la même zone géographique pose, en règle générale, moins de problèmes que l’identification des parlers représentatifs de la zone dialectale opposée. De plus, nos résultats montrent par ailleurs, que certains sujets — en l’occurrence les moyen-orientaux — semblent plus performants que les maghrébins pour les tâches d’identification dialectales en termes de pays.