2.3.3.1. Indices de discrimination phonético-phonologiques

Huit critères segmentaux ont été évoqués par nos sujets comme particulièrement pertinents pour la discrimination dialectale des différents types de stimuli. Nous retrouvons — pour les consonnes — les différentes réalisations de la plosive uvulaire standard /q/. Au Maghreb, trois réalisations dialectales sont possibles, soient : / q g k /. Nous ne reviendrons pas ici sur les fondements historico-linguistiques d’une telle distribution en renvoyant le lecteur au premier chapitre de ce travail. Toutefois, nous tenons à souligner qu’il n’existe apparemment pas de réalisation préférentielle dans les parlers de Casablanca et/ou d’Oran, où deux réalisations de l’ancien « qaf » sont possibles (i.e. /q/ et/ou /g/) même pour des items fréquents du vocabulaire dont certains apparaissent dans les énoncés (5) et (6) rapportés ci-dessous :

  • (5) [f message URL e.gifl li:l m message URL integrale.gifa rgd huwa ul klb dj message URL ae.giflo fn message URL ae.gifmusija uf h message URL ae.gifd message URL ae.gifk lw message URL e.gif qt message URL z.gifrana message URL chi.gifr message URL z.gift mn h message URL ae.gifd message URL I.gifk lq message URL e.gif r message URL interro.gif a dj message URL ae.giflha]
  • « La nuit il est allé dormir avec son chien dans le lit et pendant ce temps la grenouille est sortie de sa bouteille».

  • (Loc. H.Q., Parler de Casablanca, Maroc).

  • (6) [u: rgd fl fr message URL ae.gif message URL integrale.gif nt message URL ae.gif  message URL interro.gif message URL ae.gifh u: m message URL interro.gifa lklb t message URL ae.gifni huwa f message URL u.gif g fra message URL integrale.gifu u  h message URL ae.gifd message URL ae.gifk lw message URL e.gif qt message URL z.gifrana message URL chi.gifr message URL z.gift mn h message URL ae.gifd message URL ae.gifkl buq message URL ae.gif :l u harbt]
  • « et il s’est endormi dans son lit et le chien aussi était avec lui sur son lit et pendant ce temps, la grenouille est sortie du bocal et s’est sauvée. »

  • (Loc. A.B., parler de Oran, Algérie)

Ces extraits nous permettent d’observer que pour les trois et/ou quatre items comportant originellement l’occlusive uvulaire standard /q/, deux réalisations dialectales sont possibles, l’une en [g] : pour le verbe [rgd] « il s’est endormi » (arabe classique /raqada/) apparaissant en (5) et (6) et la préposition [f message URL u.gifg] « sur » (arabe classique /fawqa/) attestée dans l’énoncé (6) ; l’autre en [q] pour les items lexicaux [w message URL e.gifqt] « temps » des énoncés (5) et (6) (arabe classique /waqt/) ; [q message URL e.gifr message URL interro.gifa] « bouteille » (énoncé (5)) et [b message URL u.gifq message URL ae.gif:l] « bocal » (énoncé (6)).

Ces traitements hétérogènes survenant d’un item à l’autre et/ou d’un sujet à l’autre peuvent résulter soit de l’histoire linguistique propre à chacun des sujets (comme par exemple, l’installation tardive dans la région considérée par les locuteurs comme ville/village d’origine et les conséquences linguistiques liées aux situations de contact ainsi développées ; ou la présence d’origines dialectales variées au sein même des familles favorisant l’élaboration de formes idiosyncrasiques45 et/ou d’idiolecte46) ; soit du traitement différencié des items lexicaux résultant de l’emprunt à l’arabe classique et/ou à une langue étrangère.

Pour expliciter ces phénomènes, nous analyserons — à titre d’exemple — le « cas oranais » (i.e. énoncé (6)). Le système phonologique du parler oranais pose /g/ comme phonème représentant l’ancienne occlusive uvulaire /q/ (Cantineau, 1940), l’énoncé (6) atteste pourtant deux items comportant une réalisation sourde en [q]. On peut expliquer la co-occurrence de ces deux formes d’une part, du fait de l’influence du dialecte d’Alger sur le parler maternel : le locuteur A.B ayant en effet vécu pendant plusieurs années dans la capitale. Ici, l’alternance [q]/[g] serait donc dû à la co-existence de ces deux systèmes phonologiques ; d’autre part, par le traitement spécifique de l’item emprunté au français (i.e. [b message URL u.gifq message URL ae.gifl] pour « bocal ») pour lequel une prononciation classique est considérée comme un procédé d’arabisation lexical efficace.
Notons par ailleurs, que la co-occurrence /g/ + / message URL theta.gif message URL delta.gif message URL delta.gif message URL exposant.gif / considérée par la dialectologie traditionnelle comme typique des parlers de nomades trouve dans nos données plusieurs éléments de contradiction comme le montre l’énoncé (7) :
(7) [ul kl message URL I.gifjj message URL e.gifb t message URL exposant.gif message URL a.gif message URL h.gif n message URL e.gifn message URL e.gif message URL exposant.gif tt message URL ae.gifqa h message URL ae.gif dik h message URL ae.gif d message URL ae.gif k lbuq message URL ae.gifl th message URL ae.gifr message URL e.gifs u h message URL ae.gif d message URL ae.gif k lwlijj message URL e.gifd g message URL interro.gif message URL ae.gif d is message URL exposant.gif b message URL e.gifr fi:h ur message URL e.giffdu u message URL interro.gif message URL ae.gif d j message URL a.gif hd message URL exposant.gif message URL e.gif rmessage URL interro.gif message URL ae.gifh]

« [...] et le petit chien est tombé de cette fenêtre, le bocal s’est brisé et le petit garçon s’est mis à le calmer, il l’a porté et il sest mis à parler avec lui »

(Loc. A.B., Parler de Oran, Algérie)

Ce passage révèle en effet deux faits contradictoires, la prononciation sonore de l’ancien « qaf » attestée dans la forme verbale [g message URL interro.gif message URL ae.gifd] « il s’est mis à... » devrait logiquement aller de pair avec un cas de conservation des fricatives interdentales dans les adjectifs démonstratifs classiques /ha message URL delta.gifik/ « cette » et / ha message URL delta.gifak/ « ce, cet ». Ceux-ci sont pourtant réalisés ici [hadik] et [had message URL ae.gifk], c’est à dire avec passage des interdentales aux occlusives dentales correspondantes. Une fois de plus, l’analyse des productions de nos sujets tend à prouver le caractère peu fiable des macro-discriminants socio-linguistiques utilisés en dialectologie traditionnelle pour le cas précis de l’analyse des dialectes des grandes villes actuelles. En effet, leurs caractéristiques sont avant tout le fait des apports linguistiques des sédentaires, des bédouins, voire même des populations de bédouins sédentarisés qui conduisent à des formes linguistiques caractérisées avant tout par le mélange.

Rajoutons à cela les paramètres liés à l’histoire individuelle des locuteurs, aux processus d’effacement des traits dialectaux les plus typiques sous-tendus par des considérations psychologiques (notion de « prestige » attribuée aux parlers des villes vs. parlers des campagnes) et au traitement spécifiques de certains items (comme les emprunts) et l’on comprend pourquoi il est souvent difficile d’arriver à une description stable et homogène des formes dialectales des langues.

Néanmoins, il semble, que les sujets ayant participé à l’expérience de discrimination dialectale présentée plus haut aient considéré les indices rapportés dans le tableau 9 comme des critères pertinents pour l’identification dialectale des parlers arabes. Nous invitons toutefois le lecteur à considérer avec réserve leur pouvoir discriminant en ce sens que les sujets avaient systématiquement affaire à des stimuli sonores composites (i.e. composés d’indices de différentes natures) où le lexique spécifique, l’intonation particulière peuvent avoir joué un rôle plus important que les critères phonétiques évoqués qui peuvent n’avoir été utilisés (i.e. traités au niveau cognitif pour la tâche de discrimination) qu’en second lieu donc comme des critères de discrimination sur-rajoutés à d’autres caractéristiques plus pertinentes (nous pensons plus particulièrement à l’emploi de certains items lexicaux spécifiquement rattachés à un dialecte et/ou à des formes syntaxiques particulièrement marquées, c’est-à-dire caractéristiques d’un type de parler).

Tableau  13 : Distribution des indices discriminants phonético-phonologiques évoqués par les sujets dans la tâche (3) 2.3.3.2. Indices de discrimination morpho-lexicaux
Indices segmentaux
Consonnes Diphtongues Voyelles
Réalisation standard q k t aj aw /i u a / /a/
Traitement dialectal q g k d ts t s ts f d d z aj i: e: aw u: o: Centralisation/
Chute des voyelles brèves [I ]
Imala
/a/ > ; /e/
Dialectes Marocains
Parler de Casablanca + + - - + - - - + - - - - + - + - - - + - - + - + -
Parler de Rabat + - - - + - - - - + - - - - + - + - - + - - + - + -
Parler de Safi - + - - + - - + - - - + - - + - + - - + - + - - + -
Dialectes Algériens
Parler de Oran - + - - + - - - - + - - - - + - + - - + - - + - + -
Parler de Cherchell + - - - - + - + + - - - - + - + - - - + - - + - + -
Parler de Touggourt + - - - + - - - - + - - - - + - + - - + - - + - + -
Parler de Jijel - - - + + - - + + - - - - + - + - - - + - - + - + -
Dialectes Tunisiens
Parler de Tunis + - - - + - - - + - - - - + - + - - - + - - + - - +
Parler de Bousalem - + - - + - - - - - - + + + - + - - - + - - + - - +
Parler de Bizerte + - - - + - - - + - - - - + - + - - + - - + - - - +
Dialectes Syriens
Parler de Homs - - + - + - - - - - + - - - - - + + - - + - - + - +
Parler de Alep - - + - + - - - - + - - - - + - + - - - + - - + - +
Dialectes Libanais
Parler de Beyrouth - - + - + - - - - - + - - - - - + - - - + - - + - +
Parler de Zahle - - + - + - - - - + - - - - + - + - - - + - - + - +
DialectesJordaniens
Parler de Irbid - + - - - + - - + - - - - + - + - - - - + - - + - +

Parmi les différents indices morpho-lexicaux dégagés par nos sujets lors de la tâche de définition des indices discriminants ayant permis l’identification dialectale, trois critères nous semblent potentiellement utiles dans le cadre d’applications de discrimination automatique, pour peu qu’il soit possible de développer en parallèle un modèle de reconnaissance de mots.

Le premier critère évoqué se trouve être fréquemment utilisé par les dialectologues pour la classification des parlers arabes et consiste à comparer au niveau trans-linguistique la forme des particules préverbales dont l’usage dans la langue est très fréquent. Ces particules précèdent ordinairement le verbe et y adjoignent des nuances sémantiques et modales. On sait, grâce notamment aux travaux de D. Cohen (1989), que l’organisation des systèmes verbaux du sémitique en général et de l’arabe en particulier, est essentiellement fondée sur une dichotomie aspectuelle opposant l’aspect accompli à l’aspect inaccompli, ces deux modalités apparaissant sous des formes différentes d’un dialecte à l’autre. Pour ce qui nous concerne nous nous intéressons plus particulièrement aux proclitiques surajoutés aux formes dialectales de l’inaccompli tels qu’ils sont attestés à l’intérieur de certains stimuli présentés aux sujets.

Quatre constructions verbales différentes peuvent être observées en fonction du parler considéré : la première permet de rassembler à l’intérieur d’un même sous-groupe dialectal la totalité des parlers marocains. Ceux-ci attestent en effet des constructions verbales complexes de type [proclitique [ki-] + préfixe de l’inaccompli [j-]+ verbe]. Le second groupe englobe les parlers algériens et tunisiens caractérisés par l’absence de proclitique et par la présence d’une marque d’inaccompli de type [i-] + base verbale. Un troisième groupe comprend les parlers syriens, jordaniens ainsi que le parler de Zahle au Liban, où l’on rencontre une forme de type [b-] + préfixe de l’inaccompli [j] + base verbale].

Un dernier type de construction est attestée dans le parler de Beyrouth où l’on rencontre une forme plus complexe de type [ message URL interro.gif message URL ae.gifm + proclitique [b-] + marque de l’inaccompli [j-] + base verbale]. Les énoncés transcrits en (8) (9) (10) (11) et (12) illustrent ces différentes formes morphologiques47 :
(8) [ message URL e.gifmessage URL interro.gif message URL ae.gifjl message URL eexposant.gifs message URL exposant.gif message URL r.gife:r bda ki j ft message URL e.gif Σ  message URL interro.gif message URL ae.gifl message URL e.gifl grana f message URL eexposant.gif ba  message URL interro.gifd message URL eexposant.gif message URL h.giffar message URL I.gif message URL u.gifl klb bda kij l message URL interro.gif message URL ae.gif bmessage URL interro.gif message URL e.gif n message URL h.gif b message URL ae.gifl]
  • « Le petit garçon s’est mis à chercher la grenouille au fond d’un trou et le chien s’est mis à jouer avec les abeilles ».

  • (Loc. N.H., Parler de Rabat, Maroc)

  • (9) [um b message URL ae.gif message URL interro.gifd message URL eexposant.gifl k message URL e.giflb t message URL exposant.gif message URL a.gif message URL h.gif mn t message URL ae.gifka u: t message URL exposant.giff message URL e.gifl message URL exposant.gif g message URL interro.gif message URL ae.gifd itf message URL e.gif r message URL e.gif message URL z.gif fi:h m message URL ae.gif fh message URL ae.gifm f message URL I.gifha w message URL ae.giflu]
  • « Ensuite le chien est tombé de la fenêtre et le garçon le regardait sans rien y comprendre du tout».

  • (Loc. G.L., Parler de Jijel, Algérie)

  • (10) [k message URL ae.gifn message URL I.gifl w message URL ae.gifl message URL ae.gifd g message URL ae.gif  message URL interro.gif message URL e.gifd bj message URL eexposant.gif tf message URL e.gif r message URL e.gif d message URL z.gif   message URL interro.gif message URL ae.gifla d message URL exposant.gifufd message URL exposant.gif message URL a.gif message URL interro.gif message URL a.gif message URL eexposant.gifli message URL h.gif message URL ae.gifb message URL ae.gifsha: f message URL I.gifl m message URL e.gifrt message URL ae.gifb message URL ae.gif:n]
  • « Le petit garçon était assis et regardait une grenouille qu’il a emprisonnée dans un vase ».

  • (Loc. A.S., Parler de Irbid, Jordanie)

  • (11) [ message URL ae.gifl w message URL ae.gifl message URL ae.gifmessage URL interro.gif message URL ae.gif mb message URL I.gifs message URL exposant.gif message URL a.gifr message URL I.gif message URL chi.gif message URL interro.gif message URL ae.gif mb message URL i1.gif  message URL interro.gif message URL a.gifj message URL i1.gift message URL exposant.gif l message URL eexposant.gifd message URL exposant.gifufd message URL exposant.gif message URL a.gif  message URL interro.gifa l message URL ae.gif message URL h.gif message URL e.gifta l message URL i1.giftE message URL z.gife message URL ae.gifl k message URL ae.gifl message URL ae.gifb ho:n message URL interro.gif message URL ae.gif m message URL i1.gif message URL integrale.gif message URL e.gifm message URL e.gifl mar message URL e.giftbe:n]
  • « Le garçon se mit à crier, se mit à hurler à l’attention de la grenouille pour qu’elle vienne et le chien, ici, s’est mis à sentir le vase ».

  • (Loc F.B., Parler de Beyrouth, Liban)

Le second critère morpho-lexical de discrimination dialectale évoqué par nos sujets touche aux différents termes utilisés pour l’expression du rapport d’annexion en arabe dialectal. Quatre formes différentes ont été perçues.

La première [nt message URL ae.gif  message URL interro.gif-] est caractéristique des parlers algériens (12) :
  • (12) [ message URL e.gifl klb message URL eexposant.gif nt message URL ae.gif   message URL interro.gif message URL eexposant.gift message URL exposant.giff message URL e.gifl message URL exposant.gif j message URL e.gifmessage URL interro.gif message URL ae.gifb b message URL z.gifrana]
  • « Le chien du garçon joue avec la grenouille».

  • (Loc. A.F. Parler de Touggourt, Algérie)

  • La seconde [dj message URL ae.gifl-] est propre aux dialectes marocains :
  • (13) [h message URL ae.gifda w message URL ae.gifh message URL e.gifd d message URL e.gifrri s message URL exposant.gif message URL r.gifi:r g message URL ae.gifl message URL e.gifs fl bi:t dj message URL ae.gif lo]
  • « C’est un petit garçon assis dans sa chambre».

  • (Loc.F.C., Parler de Rabat, Maroc)

Les dialectes tunisiens dont on a dit précédemment qu’ils partageaient un certain nombre de caractéristiques avec les parlers orientaux, emploient une forme en [bt message URL ae.gif  message URL interro.gif-] que l’on retrouve dans le parler de Beyrouth au Liban.
  • (14) [q message URL interro.gif message URL ae.gifd message URL I.gifl message URL e.gifw message URL e.gifmessage URL eexposant.gif message URL interro.gifli:h fs message URL exposant.gif message URL e.gifb message URL a.giftu lk message URL ae.giflb message URL h.gif message URL ae.gift ra:su f message URL I.gif d message URL ae.gifbu:za bt message URL ae.gif   message URL interro.gif  message URL z.gifrana]
  • « il s’est mis à le chercher dans sa chaussure, le chien a mis sa tête dans la bouteille de la grenouille ».

  • (Loc. A.F. Parler de Tunis, Tunisie)

  • (15) [ho:n message URL e.gifl w message URL ae.gifl message URL ae.gifd trak message URL e.gifl be:t u: message URL h.gif message URL ae.gifm message URL ae.gifl message URL eexposant.gifl k message URL ae.gifl message URL ae.gifb bt message URL ae.gif   message URL interro.gif o]
  • « Ici, le garçon a quitté sa chambre et porté son chien».

  • (Loc. F.B. Parler de Beyrouth, Liban)

Enfin, en Jordanie et en Syrie, le rapport d’annexion s’exprime par la forme [t message URL exposant.gif message URL a.gifba  message URL interro.gif-] post-posée au nom auquel elle se rapporte :
  • (16) [m message URL ae.gif message URL integrale.gifi fi:h message URL h.gif message URL ae.gifta bda ikubu f message URL e.gif nahar li message URL alif.gif message URL ae.gifnu z message URL ae.gif  message URL interro.gif message URL ae.gif message URL z.gif kti:r message URL e.gifn message URL ae.gif t message URL exposant.gifuli  message URL interro.gifa lbi:t taba  message URL interro.gif u]
  • « il l’a porté jusqu’à ce qu’il le renverse dans la rivière car il était très énervé qu’il soit monté sur sa maison ».

  • (Loc. R.B. Parler de Homs, Syrie)

  • (17) [b message URL ae.gif  message URL interro.gifde:n n  message URL interro.gifas message URL e.gifl w message URL ae.gifl message URL ae.gifd u n message URL ae.gif:m fsri:r t message URL exposant.gif aba  message URL interro.gif o]
  • « Ensuite, le garçon a eu sommeil et il a dormi dans son lit ».

  • (Loc. A.S. Parler de Irbid, Jordanie).

Le dernier indice morpho-lexical rapporté de manière systématique par l’ensemble des sujets testés concerne la forme de l’indéfini en arabe maghrébin. Celui-ci est en effet exprimé par le numéral [w message URL ae.gif message URL h.gif message URL e.gifd] « un » antéposé au nom auquel il se rapporte. Le nom peut — dans certains parlers (algériens et tunisiens)— être précédé de l’article défini [ message URL e.gifl-], et le numéral a ainsi pour fonction de le « neutraliser ». La formation de l’indéfini dans les parlers sus-cités apparaît ci-dessous :
[w d] + [ l - w ld] => ; [w d - l - w ld]
Numéral + Article défini – Nom => ; Forme indéfinie
« un » + « le garçon» => ; « un garçon »

On retrouve ce schéma dans la plupart des parlers du Maghreb représentés dans cette étude (i.e. parlers marocains de Rabat et Safi ; parlers algériens de Cherchell, Touggourt, Jijel et Oran ; parlers tunisiens de Bousalem et Bizerte.

En revanche cette construction est absente des parlers orientaux où l’indéfini s’exprime simplement par l’absence de l’article défini  sur le nom (et sur l’adjectif qui le qualifie): [ message URL e.gifl-w message URL ae.gifl message URL ae.gifd] « le garçon » vs. [w message URL ae.gifl message URL ae.gifd] « un garçon ». Citons également la présence d’un infixe spécifique pour marquer — dans les parlers algériens — la forme diminutive.

La totalité des indices morpho-lexicaux présentés dans les exemples précédents sont rassemblés dans le tableau synoptique 11. Il nous semble important de les considérer a priori comme pertinents pour la discrimination dialectale en ce sens qu’ils peuvent constituer des unités potentiellement robustes dans le cadre d’un modèle de reconnaissance de mots isolés (Calliope, 1989).

Tableau 11 : Distribution des indices discriminants morpho-lexicaux.
Indices morpho-lexicaux
Forme de l’accompli Forme dimi-nutive Expression du rapport d’annexion Expression de l’indéfini
Forme de la particule pré-verbale Infixe au Nom Forme de la particule
post-posée au nom
Numéral antéposé au nom
k- j- b- nb- - jj- nt j l- bt t ba - w d
Dialectes Marocains
Parler de Casablanca + - - - - - + - - +
Parler de Rabat + - - - - - + - - +
Parler de Safi + - - - - - + - - +
Dialectes Algériens
Parler de Cherchell - + - - + + - - - +
Parler de Touggourt - + - - - + - - - +
Parler de Jijel - + - - - + - - - +
Parler de Oran - + - - + + - - - +
Dialectes Tunisiens
Parlers de Tunis - + - - - - - + - -
Parler de Bousalem - + - - - - - + - +
Parler de Bizerte - + - - - - - + - +
Dialectes Syriens
Parler de Homs - - + - - - - - + -
Parler de Alep - - + - - - - - + -
Dialectes Libanais
Parler de Beyrouth - - - + - - - + - -
Parler de Zahle - - + - - - - - + -
Dialectes Jordaniens
Parler de Irbid - - + - - - - - + -

Notes
45.

On parle de comportement « idiosyncrasique » lorsque les sujets ont tendance à organiser un ensemble de données identiques de manière différentes selon leurs dispositions intellectuelles et/ou affectives particulières.

46.

On désigne par « idiolecte » l’ensemble des énoncés produits par une seule personne, et surtout les constantes linguistiques qui les sous-tendent et qu’on envisage en tant qu’idiomes ou systèmes spécifiques ; l’idiolecte est donc l’ensemble des usages d’une langue propre à un individu donné, à un moment déterminé. Notons par ailleurs, que la notion d’idiolecte met l’accent sur certains caractères particuliers des problèmes de géographie linguistique : tout corpus de parlers, dialectes et/ou langues n’est représentatif que dans la mesure où il émane de locuteurs suffisamment diversifiés. Dans ce travail, même si nous avons relevé — pour un parler donné — des énoncés en nombre suffisant pour l’aire étudiée, nous avons postulé implicitement que les locuteurs originaires d’un même point d’enquête avaient le même parler. Or la notion d’idiolecte soulevée ici implique au contraire, qu’il y a variation non seulement d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, d’un village à l’autre et/ou d’une classe sociale à l’autre, mais aussi d’une personne à l’autre.

47.
Nous insistons toutefois sur le fait que ces formes concernent spécifiquement les parlers représentés dans notre travail. Il ne convient en aucun cas de les considérer comme uniques et spécifiques sur/aux les domaines concernés. Nous ne citerons à titre d’exemple que le cas de la Tunisie, on l’on rencontre, selon les régions, les formes [ message URL h.gifaj message URL I.gifm message URL integrale.gifi] []bj message URL I.gifm message URL integrale.gifi [t message URL ae.gifj message URL I.gifm message URL integrale.gifi] et/ou [ message URL alif.gif message URL e.gifj message URL I.gifm message URL integrale.gifi] co-existent avec celle présentée ci-dessus (Nous remercions Salem Ghazali d’avoir attiré notre attention sur ce point).