] et [
] lorsqu’elles se trouvent en syllabe fermée, la présence d’une voyelle cardinale dans cette position résultant de l’abrègement d’une voyelle longue. Les voyelles non-tendues [
] et [
] ont donc été introduites dans le système par l’introduction d’une règle phonologique tardive visant à faciliter la coordination de certains gestes articulatoires devenus complexes du fait de la règle d’effacement et/ou d’abrègement maximal des vocoïdes brefs en syllabe ouverte régissant les systèmes vocaliques des parlers maghrébins. De tels segments épenthétiques ne possèdent cependant pas, selon Ghazali, de statut phonémique car leur occurrence est prévisible de par la structure syllabique des items où elles apparaissent.
/. Pour Ghazali (1979) et Metoui (1989), cette voyelle connaît dans les parlers tunisiens une réalisation plus antérieure encore pouvant aller jusqu’à [E] voire [e]. Dans son étude sur les deux parlers arabes de Tunis, D. Cohen (1970) avait déjà souligné le problème de la réalisation de /a/ en arabe tunisien en ces termes :
/ > /sbe:
/ « matin »). On rencontre la même réalisation en position médiane dans certains items comportant pourtant une consonne étymologiquement emphatique : /s
aba:
/ > [sbe:
/], ce qui ne se produit jamais dans ce contexte dans les autres parlers maghrébins, où l’on atteste au mieux et dans un contexte emphatique réduit (i.e. consonnes pharyngalisées uniquement) une imala moyenne (i.e. /a/ > [
]) en position interne uniquement. Dans l’environnement des consonnes postérieures, cette voyelle d’aperture intermédiaire manifeste une variante postérieure de type [a] et/ou [
]. Si l’on considère maintenant la fréquence relativement élevée des consonnes postérieures (Bougadida & al., 1997), l’usage très fréquent de la voyelle /a/ (environ 46%)52, et l’importance de la différence de timbre entre les voyelles /a/ et /E/, on peut — à l’instar de Ghazali (1979) — avancer l’hypothèse selon laquelle se soit produit, dans les dialectes maghrébins, une division phonémique opposant /a/ à /E/. Cette polarisation aurait été occasionnée par différents facteurs comme :
/ vs /s
a/ - /b
/ vs /ba/ (cette dernière occurrence provenant de l’emprunt, la présence de la variante [+ ouverte] est due à la voyelle et non pas à la nature de la consonne (e.g. [b
ab
or] du français « bateau »).
]. La disparition de /q/ dans ces parlers n’a donc pas toujours entraîné le déplacement de [a] vers sa position originale [+ antérieure] et on peut donc dire qu’une voyelle postérieure s’est manifestée sans motif articulatoire apparent. Ghazali note par ailleurs, que l’opposition /a/~/
/ devient en tunisien assez productive et cite la paire /gaz/ « gaz » ~ /g
z/ « pétrole ». La pertinence de ces exemples nous semble cependant discutable dans la mesure où les deux mots précités sont empruntés à deux langues distinctes, respectivement le français et l’anglais qui attestent dans leurs systèmes phonologiques deux voyelles de timbre différent /a/ en français et /
/ en anglais, qu’il était nécessaire de restituer dans la langue cible afin d’établir au niveau phonémique l’opposition sémantique existante. Afin d’asseoir cet argument, il conviendrait ainsi de trouver d’autres exemples, provenant — si ce n’est de la même langue source — tout au moins de langues possédant, à l’origine, le même timbre vocalique. La présence — somme toute — assez rare de ces faits phonétiques en arabe tunisien, permet seulement de dire que nous sommes en présence de réalisations pouvant potentiellement aboutir à un phénomène de phonologisation, s’ils arrivent à s’étendre et à établir des paires minimales légitimes. La preuve de la présence d’un phonème /a/ indépendant dans les dialectes tunisiens ne nous semble donc pas encore établie et la fréquence d’occurrence — en contexte neutre — de la voyelle [a] ne nous permet pas de considérer cette variante comme réalisation allophonique principale. Pourtant, Jomaa (1987) et Metoui (1989) posent eux aussi dans le système vocalique de l’arabe tunisien deux phonèmes indépendants /
/ et /a/ tout en reconnaissant à leur tour la difficulté d’illustrer cette opposition par des paires minimales d’origine arabe. Nous proposons donc ici de représenter le système vocalique de l’arabe tunisien (Figure 26) tel qu’il est pressenti unanimement par ces trois locuteurs natifs, tout en nous réservant la possibilité de remettre en question cette décision en fonction du principe de réalisation allophonique principale défini précédemment que nous serons en mesure d’observer lors de l’analyse de la caractérisation des systèmes vocaliques en parole spontanée présentée plus loin dans ce chapitre.
Les segments /i:/ et /u:/ correspondant par ailleurs aux anciennes diphtongues classiques /aj/ et /aw/. Soulignons cependant que le passage des diphtongues aux voyelles longues est un fait établi en Tunisie pour le langage des hommes uniquement, le langage des femmes de caractérisant par leur conservation (Saada, 1970). Dans nos données (obtenues auprès de locuteurs masculins) elles n’apparaissent jamais et c’est ce cas que nous représentons ici.
Braham (1997) trouve, pour l’arabe moderne, les fréquences d’occurrence suivantes /a/ = 46.03%, /i/ = 20.55%, /u/ = 12.63% et /a:/ = 15.63%, /i:/ = 25%, /u:/ = 1.79%.