3.3.4. La distribution des segments vocaliques en arabe syrien

3.3.4.1. Les voyelles brèves

La Figure 42 permet d’observer la distribution des segments vocaliques brefs attestés dans nos données en arabe syrien. Sept timbres différents sont représentés dans l’espace acoustique qui apparaît comme particulièrement périphérique, la zone centrale présente toutefois des occurrences de schwa correspondant à la réalisation d’une voyelle épenthétique non-phonémique (voir Bohas & Khoulougli, 1978).

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Figure 42 : Distribution des segments vocaliques brefs sur l’axe F1/F2 en arabe syrien

Dans le tableau 31 nous avons répertorié les valeurs formantiques moyennes correspondant à chacun des différents timbres vocaliques réalisés par nos locuteurs d’origine syrienne. Nous évaluerons ensuite statistiquement les différences qualitatives observées pour les timbres apparentés phonologiquement (i.e. correspondant à différentes réalisations d’un même phonème).

Tableau 31 : Valeurs formantiques moyennes (en Hz) des voyelles brèves attestées en syrien.
F1 écart-type F2 écart-type
619 51 1797 117
a 677 56 1336 87
i 367 49 2187 106
o 508 17 1087 48
u 408 44 925 95
521 50 1469 108
e 513 55 2068 40
Considérons tout d’abord le cas des voyelles [a] et [ message URL ae.gif]. Nous l’avons vu, le système phonologique des parlers syriens est constitué de la seule voyelle ouverte centrale /a/. Nous observons pourtant au niveau phonétique un nombre relativement important d’occurrences plus antérieures que nous avons choisi de noter [ message URL ae.gif]. Les valeurs formantiques moyennes correspondant à chacune des ces deux voyelles sont de F1 = 619 Hz et F2 = 1797 Hz pour [ message URL ae.gif] et F1 = 677 Hz et F2 = 1336 Hz pour [a]. Les différences qualitatives observées pour ces deux timbres sont significatives tant au niveau de leur degré d’aperture — [a] étant plus ouvert que [ message URL ae.gif] — (p = .0001) que sur le degré d’antériorité, [ message URL ae.gif] étant plus antérieur que [a] (p = .0001). Il conviendrait d’observer plus en détail le contexte d’occurrence des ces deux variantes, mais nous pensons pouvoir, a priori, imputer ces différentes réalisations à la nature du contexte consonantique. Pour ce qui concerne les voyelles [i] et [e] dont les valeurs moyennes sont pour [i] : F1 = 367 Hz et F2 = 2187 Hz et pour [e] : F1 = 513 Hz et F2 = 2068 Hz, nous constatons ici aussi des écarts significatifs permettant de définir la voyelle [i] comme la voyelle la plus antérieure et la plus fermée du système décrit.
Il nous a semblé intéressant d’observer les différences qualitatives existant entre les deux voyelles d’aperture moyenne [ message URL ae.gif] et [e], celles-ci s’avèrent significatives sur l’axe F2 (p = .0003), [e] étant plus antérieur. Sur l’axe d’aperture, [ message URL ae.gif] apparaît comme significativement plus ouverte que [e] (p = .04). Ceci nous permet ainsi de constituer, malgré la faible occurrence des segments [e] brefs (correspondant probablement à une réalisation abrégée de[e:] procédant elle-même du traitement, en syrien, de l’ancienne diphtongue [aj]), deux groupements vocaliques distincts. De la même manière, les segments [o] et [u] s’opposent significativement aussi bien sur l’axe d’aperture, où [o] est réalisé [+ ouvert] (p = .0001) que sur l’axe antérieur ~ postérieur sur lequel [u] connaît une réalisation significativement plus postérieure (p = .0004). Les raisons expliquant la faible occurrence du segment [o] par rapport aux autres timbres vocaliques brefs du système sont les mêmes que celles avancées pour [e], l’ancienne diphtongue [aw] étant passée à la voyelle mi-fermée [o]. Notons pour finir la présence d’une voyelle centrale dont l’origine est à rechercher dans la règle de réduction vocalique (i.e. de centralisation) formulée par Bohas & Khoulougli (1978 (1) et 1978 (3)). Celle-ci concerne plus particulièrement la voyelle mi-fermée /e/ qui, lorsqu’elle se trouve, en position accentuée dans un certain type de construction morphologique ou de relation syntaxique, s’abrège au point de perdre toute coloration qualitative.