Les durées moyennes calculées pour chaque timbre vocalique attesté en arabe marocain apparaissent dans le tableau 45 et sur la Figure 62.
| Dialectes marocains | Voyelles brèves (en ms) | écart-type (Vb) (en ms) | Voyelles longues (en ms) | écart-type (Vl) (en ms) | Rapport VL/VB par timbre | Durée des Vb en % de Vl | Rapport Vl/Vb moyen |
| a | 57 | 11 | 121 | 39 | 2.0 | 47% | 1.8 |
| i | 57 | 9 | 100 | 40 | 1.7 | 57% | |
|
57 | 8 | 94 | 34 | 1.7 | 60% | |
| u | 64 | 7 | 123 | 48 | 1.9 | 52% | |
|
54 | 8 | 90 | 29 | 1.6 | 60% | |
| Durée Moy. | 58 | 106 | |||||
| Ecart-type | 4 | 16 |
:], 29 % pour [i:], 14 % pour [a:] et 10 % pour [
:]), la plupart des verbes étant conjugués à la troisième personne du pluriel comme le montre l’énoncé rapporté en (1) :
l brd
m
k
:nu k
dd
bzu:] « le vent et le soleil se disputaient ».
:nu] « étaient »). La voyelle finale est étymologiquement longue et on devrait avoir [k
nu:] mais la voyelle étant ici (1) non-accentuée (2) suivie d’une séquence de trois syllabes dont la seconde est accentuée et la première ultra-brève ([k
dd
bzu:] « se disputant »), la co-occurrence de ces faits mène, en parole, à son abrègement. En revanche, la voyelle finale de ([k
dd
bzu:] connaît un allongement important à la fois étymologique (i.e. morphème de 3ème personne du pluriel) et contextuel (i.e. lié à la position de finale absolue dans l’item et dans la phrase). Pour ce qui est des voyelles brèves [a] [
] et [i], on relève une durée moyenne de 57 ms. La durée moyenne de la voyelle centrale est légèrement inférieure (54 ms) ce qui peut s’expliquer par ses caractéristiques articulatoires qui, par définition, n’impliquent pas que l’on ait à atteindre une cible extrême dans l’appareil phonatoire contrairement aux voyelles ouvertes et/ou antérieures. Pour les voyelles longues correspondantes, notons que la voyelle la plus longue est le [a:] avec une durée moyenne de 121 ms. Les variantes [a]/[a:] apparaissent en marocain soit en position finale comme dans l’énoncé (2) et (3), soit en contexte consonantique postérieur (3) :
’g
lu:] « ils disent »
r] « il est le plus fort par rapport à l’autre »
ma:] « ils ») favorise l’allongement vocalique de la voyelle ouverte. De la même manière, la présence dans le mot d’une consonne postérieure (dans le cas de [
la:
r], la fricative uvulaire [
]), peut expliquer que la durée co-intrinsèque de [a:] soit plus importante que celle de [
:]. Dans les contextes non-postérieurs on a soit [
:] soit [
:] dont les durées moyennes sont respectivement de 94 ms et 90 ms, la durée moyenne de la voyelle ouverte [a:] de 121 ms peut donc s’expliquer d’une part par l’influence du contexte consonantique et d’autre part par les caractéristiques de durée intrinsèques liées à ce timbre vocalique. Notons pour finir que la voyelle centrale longue (dont nous avons relevé 10 % d’occurrences) présente la durée la plus courte par rapport à l’ensemble des voyelles longues de timbre plein.
] et [
] en revanche, l’opposition de durée est moins saillante : la durée des voyelles brèves correspondant à 60% de la longue. Toutefois, les proportions restent suffisamment importantes pour nous permettre d’affirmer qu’en parole spontanée, c’est-à-dire lorsque tous les paramètres de variations de durée co-intrinsèque entrent en interaction, l’opposition de durée vocalique est toujours pertinente.Afin d’exprimer la durée moyenne des voyelles brèves en pourcentage, nous avons procédé, pour chaque timbre, au calcul suivant : Vb/Vl × 100. Cet indice a été utilisé notamment par Flert (1964) pour comparer le comportement de la quantité vocalique en suédois. Lehiste (1970) et Norlin (1987) ont fait de même pour montrer l’importance de la variation de la quantité vocalique à travers les langues qui en font usage.