3.6.2. L’opposition de durée vocalique en arabe algérien

Le tableau 46 et la Figure 63 illustrent les durées moyennes calculées pour chaque timbre vocalique en dialecte algérien.

Tableau 46 :Durée moyenne (en ms) des segments vocaliques en arabe algérien
Dialectes algériens Voyelles brèves (en ms) écart-type (Vb) (en ms) Voyelles longues (en ms) écart-type (Vl) (en ms) Rapport VL/VB par timbre Durée des Vb en % de Vl Rapport Vl/Vb moyen
a 54 9 109 47 2.0 49% 2.0
i 53 10 110 31 2.0 48%
52 7 99 23 1.9 52%
u 49 7 98 27 2.0 50%
53 9 99 23 1.8 53%
Durée Moy. 52 103
Ecart-type 3 6
message URL fig63.gif
Figure 63 : Durées moyennes (en ms) des voyelles longues et brèves en arabe algérien

Les variations de durée observées pour les différents timbres vocaliques réalisés en arabe algérien s’avèrent être relativement homogènes. Les voyelles codées comme brèves présentent en effet des durées moyennes comparables. La voyelle brève présentant la durée intrinsèque la plus importante est la voyelle ouverte [a] avec une durée moyenne de 54 ms. Contrairement aux parlers marocains, la voyelle centrale n’est pas la plus brève, c’est ici la voyelle fermée d’arrière qui atteste la durée la moins importante avec 49 ms. Si l’on met en regard ces résultats avec les valeurs formantiques obtenues pour cette voyelle dans la section 3.3.2.1, on se rend compte que — dans ce dialecte — le timbre de /u/ est caractérisé par les valeurs suivantes : F1 = 476 Hz et F2 = 1143 Hz (cf. tableau 27). La durée réduite de cette voyelle est donc concomitante avec son degré de centralisation dans le triangle vocalique et constitue en ce sens un exemple typique de « undershoot » (traduction libre : « articulation écourtée qui n’atteint pas sa cible ») telle qu’elle est définie par Lindblom, (1963). Toutefois, les écarts de durée moyenne observés entre les différents timbres s’avèrent être non-significatifs du point de vue statistique, ce qui nous permet de considérer la valeur de durée moyenne obtenue, tous timbres confondus, pour les voyelles brèves (i.e. 52 ms) comme représentative, pour le dialecte algérien, des faits observables en parole continue.

Pour les voyelles longues, et contrairement aux parlers marocains, c’est ici la voyelles fermée d’avant [i:] qui connaît la durée la plus importante avec 110 ms. La fréquence d’occurrence de ce segment est étroitement liée, dans nos corpus, à la présence d’une marque de superlatif consistant en l’adjonction sur l’adjectif du suffixe [–i:] comme elle apparaît dans l’exemple (1). Rappelons à ce propos, qu’en arabe marocain, les locuteurs ont préféré une forme comparative de type [qwa: mn la: message URL chi.gif message URL c.gifr] « plus fort que l’autre » dont la durée relativement importante pouvait là aussi s’expliquer par la position finale.
(1) [ message URL I.gif message URL apostrophe.gifku:n huwa l message URL e.gifq message URL apostrophe.gifwi:]

« c’est lui le plus fort »

Néanmoins, il convient de souligner que, pour les voyelles longues également, les différences de moyennes inter-timbres ne présentent pas de différences significatives en arabe algérien : [a:] = 109 ms ; [ message URL ae.gif:] = 99 ms ; [u:] = 98 ms [ message URL e.gif:] = 99 ms, ce qui nous permet de considérer la durée moyenne des segments vocaliques longs (i.e. 103 ms) comme valable indépendamment de cette variable. Le rapport Vl/Vb moyen équivaut à 2.0 ce qui revient à dire que les voyelles brèves correspondent, dans ce dialecte, à 50 % de la durée des voyelles longues.