3.6.3. L’opposition de durée vocalique en arabe tunisien

Les durées moyennes des voyelles brèves et longues attestées dans nos corpus en arabe tunisien sont répertoriées dans le tableau 47. Les écarts observés, pour chaque timbre, entre les vocoïdes brefs et leurs correspondants longs sont illustrés dans la Figure 64.

Tableau 47 :Durée moyenne (en ms) des segments vocaliques en arabe tunisien
Dialectes tunisiens Voyelles brèves (en ms) écart-type (Vb) (en ms) Voyelles longues (en ms) écart-type (Vl) (en ms) Rapport VL/VB par timbre Durée des Vb en % de Vl Rapport Vl/Vb moyen
a 52 8 83 8 1.6 63% 2.0
i 50 7 115 39 2.3 43%
53 4 126 39 2.3 42%
u 52 7 90 21 1.7 57%
48 4 98 30 2.0 48%
Durée Moy. 51 102
Ecart-type 2 16
message URL fig64.gif
Figure 64 : Durées moyennes (en ms) des voyelles longues et brèves en arabe tunisien
Pour les voyelles brèves, la valeur la plus faible correspond, en tunisien, à la voyelle centrale [ message URL e.gif] avec 48 ms tandis que la valeur la plus élevée concerne la voyelle [ message URL ae.gif] (53 ms). Pour les voyelles fermées, on ne constate pas de réelles différences, [i] et [u] présentant, en effet, des durées moyennes de 50 ms et 52 ms respectivement. Le test statistique effectué révèle que la variable dépendante « timbre » n’a aucun effet significatif, de fait, la durée moyenne des segments vocaliques brefs est en arabe tunisien de 51 ms.
Pour ce qui concerne les voyelles longues, on retrouve la durée moyenne la plus importante pour [ message URL ae.gif:] (126 ms). La voyelle brève correspond ainsi à 42 % de son pendant long. Pour les autres timbres vocaliques, l’opposition de [u] ~ [u:] est encore bien effective, la brève représentant 57 % de la longue. Pour [a] ~ [a:] on observe un rapport moyen moins élevé (R = 1.6 et Vb = 63 % de Vl). Néanmoins, tous timbres confondus, l’opposition de durée vocalique semble être particulièrement bien implantée en arabe tunisien, le rapport VL/VB moyen étant de 2.0, les voyelles longues étant donc en moyenne deux fois plus longues que les brèves correspondantes (50%). La variable « timbre » conduit par ailleurs à des différences significatives pour les voyelles longues de l’arabe tunisien (p = .009).

Si l’on compare le résultat présenté ci-dessus (50 %) avec les pourcentages moyens obtenus pour les dialectes appartenant à la même zone dialectale (i.e. parlers marocains et algériens), soient respectivement 55 % et 50 %, on observe qu’à l’intérieur du groupe maghrébin, c’est pour le parler marocain que l’opposition de durée vocalique est la moins importante. Nous verrons plus loin si ces différences s’avèrent être significatives au niveau statistique. Si tel est le cas, le traitement de l’opposition de durée vocalique pourrait aussi bien constituer une seconde caractéristique propre aux parlers marocains qui permettrait de le discriminer par rapport aux autres parlers du Maghreb. Notons par ailleurs, que de manière générale, les rapports VL/VB moyens connaissent des valeurs croissantes d’Ouest en Est. Ce qui nous permet de penser a priori que les oppositions de durée vocalique pourraient constituer un second critère de discrimination dialectal par zone pertinent (ce point sera traité ultérieurement dans le chapitre 4).