I – Période ou époque ? La guerre en son ampleur : ce que fut la Seconde Guerre mondiale à Grenoble.

Charles Péguy considérait que l’histoire n’est pas qu’un simple déroulement chronologique, qu’un pauvre empilement factuel. Selon lui, deux temps la composeraient, que différencie radicalement leur degré d’intensité dramatique et tragique en quelque sorte. Des moments tranquilles où l’histoire se fait chronique des « Travaux et des jours », il disait qu’il s’agit d’une « période ». A ceux dont la violence traduit les convulsions de l’histoire, il réservait la dénomination « d’époque ».

Les années de guerre à Grenoble appartiennent évidemment à cette deuxième catégorie du temps historique, le plus noble pour Péguy. Elles furent, là comme ailleurs, des « années noires » 108 . Cependant, si l’Isère et le Dauphiné et leur capitale partagent avec l’ensemble du pays les fractures liées à la situation intérieure française, prise dans le malstrom d’un conflit mondial, ils manifestent ce particularisme de les vivre d’une manière amplifiée, avec ce surcroît d’investissement, mais aussi de tragédie, qui signalent aux yeux de l’observateur ce qu’on pourrait nommer « l’exception grenobloise ». C’est ce que résumait pour nous en une formule synthétique et on ne peut plus pertinente l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire contemporaine en Isère, correspondant pour le département de l’IHTP, notre ami Gil Emprin : ‘ « l’Isère, c’est comme partout en France, mais un peu plus ’ ‘ 109 ’ ‘ . »

Notes
108.

Cette expression a acquis une valeur de désignation générique des années de guerre, qui fait d’emblée image. Cf. par exemple à Grenoble l’intitulé de l’exposition préfigurative du musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, en 1993, ou le titre de l’ouvrage édité par le même musée, Affiches des Années Noires. 1940-1945, musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, suite à l’exposition temporaire éponyme de 1996-1997, Grenoble, Éditions Cent Pages, 1996, 49 p.

109.

Enseignants dans le même établissement grenoblois (Cité Scolaire Internationale Stendhal), nous partageons avec Gil Emprin le service éducatif du musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère depuis quatre ans. Nous sommes tous deux membres de son Conseil Scientifique et avons l’habitude de travailler ensemble (animation du stage MAFPEN « Comment enseigner la Deuxième Guerre mondiale au musée de la Résistance et de la Libération de Grenoble ? » ; élaboration des livrets pédagogiques qui accompagnent les dépositions du musée ; cycles de conférences et interventions diverses ; etc.).