B – La guerre mais les conflits : perspectives chronologiques et analytiques.

Les travaux pionniers de Suzanne et Paul Silvestre 115 , les études nombreuses, plus récentes et à l’orientation volontairement moins événementielle, entreprises sous l’égide du musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère 116 , la rigueur méthodologique de spécialistes reconnus dont les ouvrages sont pour nous de constantes références – on pense là en premier lieu à Michel Chanal 117 , mais aussi à Paul Dreyfus 118 –, la production de nombreuses monographies universitaires sous la direction de Pierre Bolle notamment 119 , qui sont autant d’éclairages précis d’un tableau d’ensemble qu’elles contribuent progressivement à mettre en lumière, les recherches qui continuent de se mener et dont nous connaissons, avant qu’elles ne soient publiées, les conclusions 120 , quelques « opuscules » à la vocation pédagogique plus modeste 121 , s’essayent à combler, chacun à leur place et selon la perspective qui leur est propre 122 , les lacunes de notre savoir. Nous pouvons ainsi penser que s’il subsiste des manques dans notre connaissance (quel historien pourrait prétendre y remédier totalement, et définitivement ?), du moins n’est-on plus face à d’insondables béances.

Certes, nous ne disposons pas encore de l’ouvrage synthétique de référence, dont tous les chercheurs et auteurs que nous venons de citer pensent qu’il devrait être écrit par le responsable de la documentation du musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, Jacques Loiseau, qui possède sûrement la plus complète connaissance de la période et la hauteur de vue nécessaire à l’entreprise 123 .

Cependant, le socle de référence événementiel et chronologique de cette histoire encore en train de s’écrire est à présent suffisamment connu pour qu’on puisse rapidement présenter les facteurs propres à la situation du département et de Grenoble. Eux n’ont pas varié depuis la Libération ; les faits sonteffet têtus qui restent toujours les mêmes.

Notes
115.

Correspondants pour l’Isère du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, leurs travaux sont très riches et continuent de fournir une base de renseignements sans équivalent : Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des Maquis de l’Isère. 1943-1944, préface du général Alain Le Ray, Grenoble, Éditions des Quatre seigneurs, 1978, 350 p. (une réédition augmentée d’un appareil critique conséquent a été assurée récemment par Olivier Vallade et publiée par les Presses Universitaires de Grenoble, collection « Résistance », 1995, 507 p.). Lire également : Suzanne Silvestre, « Les premiers pas de la Résistance dans l’Isère », in Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale et des conflits contemporains, n° 127, 1982, p. 43-75 ; Paul Silvestre « S.T.O., maquis et guérilla dans l’Isère », in Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale et des conflits contemporains, n° 130, 1983, p. 1-50.

116.

Ces publications, qui sont toutes des collectifs, suivent en général les expositions temporaires que le musée consacre chaque année à un aspect précis de l’histoire de la région pendant la Deuxième Guerre mondiale : Résistance en Isère. Le livre du musée, Grenoble, musée de la Résistance et de la Déportation de Grenoble, Éditions Cent Pages, 1994, 145 p. ; Mémoires de Déportés. 1945-1995, Éditions Cent Pages, 1995, 93 p. ; Affiches des Années Noires. 1940-1945, Éditions Cent Pages, 1996, 49 p. ; Être Juif en Isère entre 1939 et 1945, Éditions Cent Pages, 1997, 127 p. ; Fort Barraux. Camps et prisons de la France de Vichy . 1940-1944, Éditions Cent Pages, 1998, 115 p. ; Dernières nouvelles des maquis de l’Isère, Éditions Cent Pages, 1999 , 142 p.

117.

Cf. liste de ses travaux infra, à propos de l’Occupation italienne et de la Collaboration à Grenoble.

118.

Paul Dreyfus, Vercors , Citadelle de Liberté, Grenoble, Arthaud, 1969, 364 p. (troisième édition, Arthaud, 1997, 395 p.) et Histoire de la Résistance en Vercors, Grenoble, Arthaud, 1975 (réédité sous une nouvelle présentation par Arthaud-Flammarion, Paris, 1984, 288 p.) notamment.

119.

Pierre Bolle, Chapitre XII, « Soumission et Résistance (1940-1944) », p. 385-415, in Histoire de Grenoble, sous la direction de Vital Chomel, Toulouse, Éditions Privat, 1976 ; le colloque tenu sous sa direction il y a vingt-cinq ans est fondamental : Grenoble et le Vercors . De la Résistance à la Libération. 1940-1944, Actes du colloque tenu à l’Institut d’Études Politiques, le 21 et 22 novembre 1975, Lyon, La Manufacture, collection « L’Histoire partagée », 1985, 338 p.

Roland Lewin nous associe souvent aux jury de soutenance qu’il préside à l’Institut d’Études Politiques de Grenoble, quand il s’agit de travaux intéressant l’histoire de la région pendant la dernière guerre ; nous-mêmes faisons travailler les étudiants de première année de l’IEPG sur ce thème.

120.

On pense là aux travaux (thèses pour les trois premiers, TER d’histoire pour le dernier), achevés ou en cours, de Michèle Gabert sur les processus d’entrée en Résistance, Olivier Vallade sur la répression en Isère pendant la guerre, Christophe Tarricone à propos des Chantiers de Jeunesse dans la région et Tal Bruttmann sur les persécutions antisémites dans le Grenoble occupé de l’année 1943-1944.

121.

Jean Paquet, La Résistance en Isère. 1940-1944, dossier pédagogique non paginé, Grenoble, CRDP de Grenoble, troisième édition en 1993 ; Robert Benoît (dir), Gil Emprin, Philippe Barrière et Olivier Vallade, Vivre libre ou mourir. Tracts de la Résistance en Isère. 1940-1944, Archives Départementales de l’Isère/Service éducatif/Action culturelle académique de Grenoble, collection « L’atelier d’histoire », 1997, non paginé.

122.

Ainsi du travail original de Claude Collin, qui a privilégié pendant un temps l’approche documentaire filmée (“Étrangers et nos frères pourtant...” Francs-Tireurs et Partisans de la Main-d’Oeuvre immigrée (FTP-MOI) à Lyon et Grenoble ; première partie : Liberté : guérilla urbaine à Grenoble ; deuxième partie : Carmagnole : l’insurrection de Villeurbanne. 24/26 août 1944, sorti en 1994), tout en continuant de publier des études qui font autorité sur la Résistance juive en Isère : « Aux origines de l’Union de la jeunesse juive. Contribution à l’histoire des organisations juives de résistance », in Cahiers d’histoire, t. 41, n° 1, 1996, p. 77-85, Jeune Combat. Les jeunes Juifs de la MOI dans la Résistance, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, collection « Résistances », 1998, 143 p., pour les plus récentes (à paraître, toujours aux PUG, Carmagnole et Liberté. Les étrangers dans la Résistance en Rhône-Alpes).

123.

Des projets d’écrire cette synthèse qui manque ont récemment été évoqués, qui devaient compléter, vingt ans après, l’excellent mais daté chapitre écrit par Pierre Bolle en 1976. Robert Benoît (Professeur d’histoire en Khâgne à Champollion jusqu’à récemment, chargé du service éducatif des Archives Départementales de l’Isère) avait pensé réunir sous sa direction une équipe d’historiens (Gil Emprin, Olivier Vallade, Christophe Tarricone, Tal Bruttmann et nous-mêmes) pour entreprendre à plusieurs mains cet imposant travail. Son départ de la région a mis un terme provisoire à ce projet. Pierre Giolitto a contacté en 1999 l’ensemble des « spécialiste » de la période pour qu’ils lui fournissent les renseignements nécessaires à l’écriture de cette histoire.