D – Récits.

Cette rubrique concerne des sources documentaires deux fois particulières puisqu’elles sont de deuxième intention (produits à propos de l’événement après que celui-ci est fini) et que leur destination est publique, la plupart étant imprimées pour être vendues. On pourrait d’ailleurs hésiter à faire figurer certaines des références que nous regroupons sous ce vocable générique de récit dans la rubrique « bibliographie », tant la nature même de cette production éditoriale est ambiguë.

Cependant, il ressort rapidement de leur fréquentation assidue qu’ils composent une part importante de notre matériau de recherche. En effet, leur positionnement chronologique et leur vocation publique (qu’elle soit commerciale ou pas) les situent indiscutablement au rang des « entreprises de mémoires ». Conscientes de ce qu’elles sont ou non, plus ou moins ambitieuses quant au fond et achevées dans la forme, rencontrant leur public ou loupant au contraire le lectorat à qui elles voulaient s’adresser, ces œuvres écrites qui parlent de la Seconde Guerre mondiale à Grenoble le font de différentes manières.

Le genre qui l’emporte numériquement mais aussi qualitativement est sans conteste celui du témoignage . La plupart du temps livré dans un style direct qui est censé abolir la distance entre l’auteur et le lecteur en produisant un effet d’immédiateté et de proximité, le « témoignage de Résistance » est effectivement un genre à part entière. Il est rarement romancé (au sens où sa structure interne n’obéit pas aux lois d’écriture du roman). Il est toujours reconstruit. Ce qui revient à dire qu’il est porteur d’une vision, d’une représentation, d’une mémoire qui, individuelle ou partagée, cherche à se dire et se faire entendre dans l’espace public 205 .

Beaucoup moins nombreux en revanche sont les romans . Les œuvres de fiction romanesques dont l’intrigue concernerait directement, ou même indirectement, le déroulement de la guerre dans la région, n’ont jamais rempli les rayons des librairies. D’ailleurs, dans un genre littéraire relativement proche, les recueils de poèmes consacrés à la Résistance locale sont pratiquement plus nombreux, surtout dans l’immédiat après-guerre, alors qu’ils sont a priori d’un abord moins aisés.

Le point commun à ces « trois genres », c’est bien la difficulté de leur approche méthodologique, puisqu’on ne peut se contenter de leur seule parution pour certifier l’existence d’une mémoire correspondante. Qui les a lu ? Combien de lecteurs les ont lus ? Quel accueil dans quel milieu ? Voici quelques-unes des questions qu’il faut savoir leur poser et auxquelles il est difficile de répondre définitivement.

Notes
205.

Lire James Steel, « Les sanglots de la victoire : auto-représentation du résistant dans la littérature de 1944-1946 », in La France de 1945. Résistances. Retours. Renaissances, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1996, p. 101-114.