B – Toponymie urbaine.

De même, on ne doit pas mépriser cette autre dimension de « l’immédiatement visible », à savoir les dénominations des voies publiques qui intéressent la Seconde Guerre mondiale, au seul prétexte qu’elles sont là. Se livrant quotidiennement au regard des passants et ne se cachant pas au fond des liasses d’archives ou au cœur des souvenirs des individus, cela ne signifie pas que cette source est en soi sinon tarie, du moins inintéressante. C’est même une de ses originalités que d’être aussi facilement accessible.

Les angles de nos rues, avenues et boulevards, les pignons des maisons et immeubles qui portent ces empreintes de mémoire, sont aussi une source pour l’historien. A ciel ouvert, elle fournit des renseignements essentiels sur la politique de gestion municipale de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Car derrière les académiques rectangles bleus où s’inscrivent les noms des héros et des événements que la ville veut honorer, lors des réunions préparatoires de la commission en charge de ces dossiers, ou bien au moment où se réunit le Conseil municipal et que s’effectue le vote chargé d’avaliser les changements de dénomination, se lisent des stratégies de promotions mémorielles et aussi des tentatives de mise à distance.

Et pour pouvoir les mettre au jour, nous voilà renvoyés de la lumière naturelle de la rue aux méandres des archives municipales de Grenoble, où sont conservés les registres de délibérations du Conseil municipal… Preuve que pour accéder à la connaissance, il faut remonter très loin le cours de cette source a priori si évidente et qu’un corpus documentaire n’est jamais clos sur lui-même.