C – A Nouvelles Technologies, nouvelles pratiques ?

Au moment de clore la présentation de notre matériau documentaire, il faut signaler ici que, de la « toile mondiale » à l’histoire locale, le chercheur peut tirer d’importants bénéfices de sa fréquentation des Nouvelles Technologies en Informatique et Communication (NTIC).

Encore convient-il de distinguer entre ce qui est du domaine de la documentation et du registre de la recherche fondamentale. Dans le premier cas, il est incontestable que l’apport de la numérisation permet de stocker sur un espace réduit un nombre impressionnant d’informations. Recourir au CD-ROM 295 , quand celui-ci est de qualité, permet un gain de temps éminemment appréciable. La facilité du support (la « galette » CD-ROM), la construction des données en cascade (grâce aux liens de l’hypertexte, principe de l’interactivité), la multiplicité et la variété des documents proposés (le fameux multimédia), font de ces CD-ROM de véritables encyclopédies numériques – les deux plus intéressants étant celui que l’on doit à Marc Ferro et surtout celui qu’a coordonné Laurent Douzou 296 . Aussi disponible, aussi accessible, d’un coup rendue aussi peu volumineuse, la documentation générale propre à un sujet (en l’occurrence la Seconde Guerre mondiale en France) peut à présent se rencontrer en un seul endroit et en un seul moment. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que les mieux pensés d’entre ces CD-ROM ne se contentent ni d’offrir une compilation de données brutes, ni de proposer une synthèse grand public et multimédia de l’histoire de la guerre. Ils vont plus loin. Par exemple, pour ce qui nous intéresse, les occurrences consacrées au thème des mémoires de la Deuxième Guerre mondiale par le travail mené sous la direction de Laurent Douzou sont nombreuses et de qualité. Leur accessibilité est en outre rendue aisée par un découpage des données en cinq rubriques (Organisations, Thèmes, Biographies, Symboles, Lieux), qui fait heureusement la part belle aux acquis récents de l’historiographie.

C’est un peu le même principe qui est à l’œuvre, depuis à peu près dix ans, dans l’indexation électronique quasi systématique à laquelle ont su sacrifier les principales revues et journaux français et internationaux. Des bases de données dotées de moteurs de recherche efficaces sont à présent à la disposition du chercheur dans les bibliothèques universitaires publiques. Qu’il s’agisse de CDRap, Arald, Myriade ou bien encore Francis et CBNF, elles permettent d’effectuer des recherches croisées en multipliant et en recoupant les « requêtes » 297 . Le temps est fini par exemple où l’on devait conserver l’intégralité des numéros du Monde, ou se livrer à des heures de découpage et d’archivage amateur, pour être certain de pouvoir disposer des articles qui intéressent une recherche. La totalité des papiers que le grand journal du soir a consacrés depuis 1987 aux thèmes qui ont à voir avec notre étude, sont désormais directement consultables sur CD-ROM ou sur l’Internet. Et la procédure de recherche est à ce point développée qu’on ne peut passer à côté d’aucune référence a priori intéressante.

La « révolution numérique » permet de faciliter le travail du chercheur dans le domaine principalement de la documentation. L’Internet, quant à lui, offre des possibilités infinies en matière de communication mais aussi de recherche. Savoir gérer sa boîte aux lettres électronique n’a rien de sorcier. Nous avons ainsi envoyé une vingtaine de messages (cf. annexe n° XIII) à des organismes susceptibles de nous apporter une aide. Là encore, le gain le plus appréciable est celui de la rapidité.

Mais il est également loisible de mener une recherche documentaire fondamentale à partir du réseau mondial, c’est-à-dire en considérant celui-ci pratiquement comme une source à part entière. On peut alors interroger le « Web » à trois niveaux différents.

Tout d’abord, il est facile, de chez soi, de se connecter par exemple au site de l’IHTP et de compléter ainsi certaines références bibliographiques en consultant sa bibliothèque virtuelle. Puis, à partir du site propre de l’institut, c’est un jeu d’enfant que d’interroger les bases de données du CNRS et de toutes les universités françaises, en spécifiant sa demande en fonction de ses besoins précis. C’est là un véritable travail de recherche qui permet de remédier aux inéluctables carences documentaires et bibliographiques auxquelles sont souvent sujettes des recherches qui se mènent principalement en région.

Mais on peut surtout trouver, lire, voir et entendre les documents « originaux » sur l’Internet. Et on ne peut aisément accéder à certains d’entre eux que par Internet. A ce compte-là, le réseau devient bien une source documentaire propre et incontournable. Sans lui, qu’aurions-nous vu et su des actualités cinématographiques qui concernent Grenoble dans l’après-guerre par exemple ?

Enfin, les groupes de discussion (Chatgroups) spécialisés en histoire (Le mel : meyniac@ac-grenoble.fr ; H-Français : http://h-net.msu.edu/~francais, http://www.ac-grenoble.fr/histoire/ ; L’Association des Clionautes : http://www.clionautes.org/ ; Nouvelles Technologies en Histoire-Geo : http://www.fdn.fr/~fjarraud), auxquels nous sommes abonnés depuis plusieurs années, ont mis à notre disposition leurs ressources… humaines. Animés par des professeurs d’histoire français et étrangers, ils fonctionnent comme une vaste plate-forme de discussion à distance. Chaque « clionaute » qui adresse un message au « webmaster » 298 du groupe le voit immédiatement répercuter à l’ensemble des abonnés, qui sont plusieurs milliers. Chaque jour, une trentaine de questions-réponses, échanges de cours et de documents, propositions de recherche, en provenance d’un collège de Bretagne ou d’une université américaine, s’affichent ainsi sur notre écran. Nous avons nous aussi sollicité cette formidable source en envoyant un message dont voici le texte.

‘« Bonjour à tous,

Enseignant à la Cité Internationale Stendhal et à l’I.E.P. de Grenoble, je suis en train de boucler ma thèse consacrée à la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale à Grenoble et dans sa région. (Le titre provisoire en est : Grenoble en ses après-guerres. 1944-1964. Mémoire(s), lieux et enjeux de mémoire(s) de la Deuxième Guerre mondiale à Grenoble.)
Je fais appel à toutes les bonnes volontés des clionautes qui pourraient et voudraient bien me fournir des renseignements d’ordre documentaire, bibliographique, méthodologique, intellectuel... ou autre sur ce sujet.


Merci d’avance à tous !

Mes adresses : Philippe Barrière
6, place Lavalette
38000 Grenole
tél./fax :04 76 51 08 50
email : Zapata@alpes-net.fr »’

Nous eûmes bien évidemment des réponses, deux parmi les plus intéressantes provenant de Lyon et Angoulême 299 .

Les nouvelles technologies ne changent heureusement rien à la pratique du métier d’historien, dans ce qu’elle comporte d’exigence et de rigueur. Les documents, par chance, sont têtus, on l’a déjà dit. Même numérisés, ils restent identiques à eux-mêmes. Leur statut et la façon de les interroger ne varient pas. Et les difficultés d’identification de certains d’entre eux, dont on peut ignorer la provenance (cette difficulté existe pour les CD-ROM puisque le multimédia aime à mélanger les genres, au détriment parfois de la précision, mais surtout sur l’Internet, on le sait ; mais il suffit de savoir à qui l’on s’adresse…), obligent même à un surcroît de vigilance dans le protocole de questionnement. Si le métier ne change pas, les sources augmentent en nombre et en volume et les ressources de la gestion documentaire doivent s’adapter. Gageons ainsi que l’assiduité dans la connexion va rapidement devenir une des obligations disciplinaires du chercheur en histoire…

Notre corpus documentaire enfin constitué, les principales voies méthodologiques du traitement de ces sources à présent dégagées, et les points d’achoppement signalés et pointés, il reste à penser à la plus adéquate manière d’organiser la progression de notre réflexion. Il est enfin temps de réfléchir au «  plan » de notre travail, comme disent souvent, et avec jubilation, les historiens.

Notes
295.

CD-ROM : Compact Disk Read Only Mémory.

296.

Marc Ferro (directeur historique), La Deuxième Guerre mondiale, J’imagine le monde, Arte éditions (Histoire parallèle), 1996 ; Laurent Douzou (directeur historique), La Résistance en France. Une épopée de la Liberté, Montparnasse multimédia, J’imagine le monde, Le Monde, Fondation de la Résistance, 1997.

297.

Ces CD-ROM sont les plus utilisés, qui répertorient les références des articles, ouvrages et travaux qui ont paru depuis la fin des années quatre-vingt.

298.

Personne chargée de gérer les échanges entre abonnés.

299.

Merci à Hugues Marquis, du lycée Guez de Balzac, à Angoulême, de nous avoir envoyé par fichier-joint le mémoire de maîtrise réalisée par Corinne Bony sous la direction de Bernard Lachaise à Bordeaux III (La mémoire de la Résistance en Charente de 1945 à nos jours, 1997, 170 p.). Merci également à Ronen Shapira pour ses conseils méthodologiques.