II – Épurer, évincer, oublier.

A l’aise quand il s’agit d’insister sur les qualités qui selon elle méritent qu’on lui attribue le titre de « Capitale de la Résistance », la communauté grenobloise doit également envisager la réalité d’autres groupes que celui des résistants. Se pose alors la question de la place que vont occuper dans cette première mouture de mémoire tous ceux dont l’expérience qu’ils ont du conflit ne les autorise a priori pas à accéder à une mémoire officielle, publique et positive, soit qu’ils sont les ennemis de la Résistance dont la Libération a marqué l’irrémédiable défaite politique, soit qu’ils symbolisent la défaite militaire ou le traumatisme de l’emprisonnement/Déportation, soit qu’ils incarnent une singularité trop radicale (la Déportation raciale par exemple) pour espérer s’intégrer à la mémoire collective commune.

Cependant, une difficile accession à la mémoire ne signifie pas pour autant qu’elle soit impossible, seulement que les modalités de sa structuration sont particulières. Surtout, épurant les premiers (les « Collabos »), évinçant les deuxièmes (Prisonniers et Déportés) et oubliant les troisièmes (les Déportés raciaux), les Grenoblois accomplissent aussi leur travail de mémoire, car en réservant à ces groupes une place en retrait, voire en la leur déniant, ils espèrent en retour pouvoir encore mieux exciper de leur Résistance.