Les renseignements aimablement fournis par M. Richard Zaparucha, actuel directeur de l’Office Départemental des Anciens Combattantset Victimes de Guerre 557 et par M. Yves Armand, de la Direction interdépartementales des Anciens Combattants 558 nous permettent, en complétant les informations contenues dans les documents conservés aux ADI 559 , d’esquisser une typologie chronologique relativement sûre de la date de fondation des associations d’Anciens Combattants et Victimes de Guerre de Grenoble et de l’Isère. Le tableau récapitulatif qui suit doit ainsi beaucoup à la synthèse établie par les services de Reynier entre mars et juillet 1946 560 .
Date de la fondation. | Nom de l’association. | Siège social. | Nom du Président. |
23 octobre 1944 | Association des Suppliciés et Internés politiques de la Gestapo | Grenoble | Edmond Marchandise |
10 décembre 1944 | Amicale du Maquis et des FFI de la Basse Romanche | Grenoble | Georges Mure |
13 décembre 1944 | Le Maquis de l’Oisans | Grenoble | Capitaine Bataille |
15 décembre 1944 | Amicale des Engagés dans la Résistance française | Grenoble | Ravinet |
10 janvier 1945 | Amicale des Anciens Prisonniers de Guerre | Meyzieu | Hippolyte Sabot |
24 janvier 1945 | Amicale des FFI et des membres de la Résistance du canton de Rousillon | Roussillon | Dutay |
29 janvier 1945 | Amicale des Anciens du Maquis et de la Résistance Viscose Echirolles | Echirolles | Balme |
20 mars 1945 | Comité d’Entraide aux Prisonniers et Déportés d’Autrans | Autrans | Lucien Rochat |
5 mai 1945 | Entraide française pour les Travailleurs Déportés en Allemagne et leurs familles | Vinay | Mme Bayle |
5 juin 1945 | Groupe de Résistance du Collège de garçons de La Côte Saint-André | Brezins | Paul Burlet |
13 juin 1945 | Association des Militants de la Résistance du Département de l’Isère | Grenoble | Gaillard |
21 juin 1945 | Accueil Fraternel des Prisonniers et Déportés | Grenoble | Juillet |
30 juillet 1945 | Amicale des ex-Maquisards d’Ambléon et des Résistants actifs de la région de Morestel | Morestel | Inconnu. |
13 octobre 1945 | Amicale des Déportés des Sanatoria du plateau des Petites Roches | Saint-Hilaire-du-Touvet | Laroche |
8 novembre 1945 | Fédération Nationale des Combattants Volontaires des Guerres 14-18 et 39-45 et des Forces de la Résistance | Grenoble | Reboud |
9 novembre 1945 | Fédération Nationale des Combattants Volontaires des Guerres 14-18 et 39-45 et des Forces de la Résistance | Bourgoin | Inconnu. |
27 novembre 1945 | Union des Militants de la Résistance | Grenoble | M. BLanc |
20 décembre 1945 | Les Amis de Jules Ledieu | Vienne | Inconnu. |
5 janvier 1946 | Union Régionale des Anciens de la Résistance | Vienne | André Domel |
10 janvier 1946 | Centre d’Entraide des Déportés de la Résistance et des Internés politiques | Bourgoin | Inconnu. |
13 janvier 1946 | Amicale des Anciens Maquisard et Résistants | Saint-Victor-de-Cessieu | Inconnu. |
8 février 1946 | Association Départementale des Déportés du Travail de l’Isère | Grenoble | Maurice Othomene |
19 février 1946 | Amicale des Allobroges | Vienne | Capitaine Roux |
8 mars 1946 | Amicale des Anciens de la Résistance du secteur V | Corps | Savoyat |
12 mars 1946 | Association des Internés et Déportés politiques de l’isère | Grenoble | Doussant |
22 mars 1946 | Comité d’Entraide aux Travailleurs Déportés en Allemagne et à leurs familles | Rives | Kleber |
30 avril 1946 | Association des Mutilés-Anciens combattants | Salaise-sur-Sanne | Pierre Serve |
Sans mention de date | Association Régionale des Membres des Groupes Francs (Section de Vienne) | Lyon | Balme |
Sans mention de date | Association Nationale des Amis des Francs Tireurs et Partisans Français (Section de Vienne) | Grenoble | André Logut |
Sans mention de date | Fédération Nationale des Déportés et Internés Patriotes Résistants | Vienne | Clamaron |
Sans mention de date | Association Régionale des Rescapés de Montluc (Section de Vienne) | Vienne | Seigle |
Quatre faits majeurs ressortent de cette rapide présentation de la genèse des associations d’Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
Tout d’abord, leur nombre est conséquent : de manière à peu près définitive, l’étiage des « associations » actives dans le département s’établit donc aux alentours d’une trentaine, dont 11 ont leur siège social à Grenoble.
C’est d’ailleurs là le deuxième point d’importance : l’ancrage très local des « associations » est en effet indéniable.
Troisièmement, la moitié d’entre elles voient le jour au cours de l’année 1945 (14 sur 27), contre 9 en 1946 et seulement 4 qui sont fondées entre l’été et la fin 1944 (l’Association des Suppliciés et Internés Politiques de la Gestapo ; l’Association du Maquis de l’Oisans ; l’Amicale des Engagés dans la Résistance Française ; l’Amicale du Maquis et des F.F.I. de la Basse-Romanche) 561 .
Enfin, même si malheureusement, carence de taille, on ne dispose pas des chiffres de leurs adhérents et militants, on peut supposer que très certainement toutes ne furent pas très actives (le Groupe de Résistance du Collège de Garçon de la Côte Saint-André a-t-il survécu longtemps à sa création ? ; les Amis de Jules Ledieu furent-ils vraiment opérationnels ?). Seules 7 d’entre elles parviennent à éditer et à diffuser un journal, à la périodicité parfois hasardeuse (le rapport de synthèse de Reynier de mi-juillet 1946 mentionne par exemple que ‘ « Le Maquis du Grésivaudan ’ ‘ , bulletin de l’Association Maquis du Grésivaudan, ne paraît qu’irrégulièrement ’ ‘ 562 ’ ‘ » ’) et au tirage ne dépassant apparemment jamais les deux ou trois milliers d’exemplaires dans le meilleur des cas 563 .
A l’intérieur de ce cadre chronologique général, il nous semble par ailleurs intéressant de nous attarder sur les conditions concrètes de création d’une « association », pour comprendre quelles sont les motivations de ses fondateurs et leur évolution dans le temps. Il est ainsi extrêmement instructif de suivre au plus près la constitution, par exemple, de l’Amicale départementale des Anciens de l’Armée Secrète et d’en établir une chronologie analytique la plus fine possible.
C’est tard, au printemps 1947, que naît l’amicale. Le retard concédé à d’autres « associations » ou « amicales » est d’ailleurs clairement un manque à gagner en matière de présence mémorielle. Ainsi, au cours de la séance préparatoire de l’Assemblée Générale constitutive, qui se déroule le 9 mars 1947 564 , on déplore logiquement cette trop longue absence : ‘ « [...] le Capitaine Farsat ’ ‘ prend la présidence et, en une courte allocution, exprime à la fois sa joie de retrouver d’anciens camarades et son regret du retard apporté à la constitution de l’Armée Secrète ’ ‘ 565 ’ ‘ qui aurait sans doute évité ces amicales ou sociétés de Résistants dans lesquelles anciens et nouveaux voisinent sans être d’accord, si bien que le discrédit rejaillit sur tous [...]. » ’ Handicapante en soi, on comprend vite que cette parenthèse de deux ans l’est sur un autre plan, strictement politique cette fois : ‘ « [...] Il faut regrouper les Résistants selon les formations de Combat : les FTPF sont unis, l’Armée Secrète est divisée en groupes ennemis [...]. Pourquoi se dissocier sous couleur politique ? D’un côté FTPF fait bloc ; il faut reconstituer l’Armée Secrète et ensuite, l’union sera possible [...]. » ’ Le concurrent principal est là clairement identifié : l’efficacité des anciens combattants communistes, leur cohésion et leur travail « mémoriel » sont ainsi quasiment érigés en modèle. Quant à croire aux volontés d’union entre ces deux associations qui semble poindre ici…
Reste évidemment, une fois qu’on s’est assigné une vocation politique minimaliste 566 , à clarifier la position de l’Amicale en gestation vis-à-vis d’autres grandes fédérations.
‘«[...] Position vis-à-vis de la FNAR et de l’A.M.R. : L’Amicale de l’Armée secrète reprend ce qui existait dans la clandestinité alors que la FNAR et l’AMR n’existaient pas. Les membres sont libres vis-à-vis de ces dernières. Un membre expose que sa position sera délicate au sein de l’une de ces associations. Juthy 567 fait remarquer que la réponse est simple : deux organisations ont tenté de faire l’union et n’ont pu y parvenir. Si une autre organisation y parvient, tant mieux. Nous souffrons tous d’un malaise, il faut en sortir [...]. »’Accusés à mots à peine couverts d’inefficacité, les deux grandes fédérations grenobloises vont, de toute évidence, encaisser de plein fouet le choc du à la création de l’Association. D’ailleurs, le rapport des Renseignements Généraux n° 1619 du 10 mars 1947, consacré à cette réunion préparatoire, pronostique en conclusion que ‘ « l’Association de l’Armée Secrète en formation à Grenoble réunira probablement la plupart de tous les anciens résistants ayant appartenu à cette formation et aura peut-être comme première conséquence d’aggraver le peu d’activité actuelle d’autres associations d’anciens Résistants (AMR, FNAR, etc.) ’ ‘ 568 ’ ‘ ». ’
Comment dire plus clairement que savoir se positionner et marquer son terrain au sein des multiples concurrences qui s’entrecroisent au sein de la galaxie des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, est une nécessité si l’on veut exister ?
De très nombreuses entrevues depuis 1991. M. Zaparucha est devenu un ami. Il a bien voulu nous donner entre autres les états statistiques établis par ses prédécesseurs et complétés par lui.
Échange de courrier en 1991 et entrevue en mai 1996.
Notamment les dossiers cotés 2696 W 18, « Associations de résistance » ; 2797 W 92, « Résistance : mouvements et groupements organisés à la suite de celle-ci. 1945-1948 » ; 4332 W 47-51, « Anciens Combattants » ; 4332 W 116, « Associations » ; 4332 W 180, « Associations. Résistance. 1959-1966 ». A signaler aussi, aux Archives Municipales de Grenoble, la cote 4 H 36.
La préfecture de l’Isère entreprit ce travail – avec l’aide des sous-préfectures de Vienne et La Tour-du-Pin – suite à une demande en ce sens adressée à Reynier une première fois le 4 mars 1946 et une deuxième fois, de manière plus pressante, le 5 juillet 1946 par le ministre des Anciens Combattants, Casanova. ADI, 2797 W 92. Voir ADI 4332 W 47 pour un bilan (moins complet) de l’activité des asscociations en 1958 (ce n’est d’ailleurs pas un hasrd si c’est à cette date qu’a lieu cette deuxième enquête des RG).
La différence concernant ces associations, dont on n’a pu dater avec précision la date de naissance.
ADI, 2797 W 92. A noter que 5 de ces journaux ont leur siège social à Grenoble, les deux derniers à Vienne.
Notamment La Tribune de Vienne. ADI, ibidem.
Le compte rendu précise que sont présents 16 représentants, dont 13 des différents secteurs isérois de l’Armée Secrète, 1 de L’État-major, 1 de Libération et 1 de Combat. ADI, 2797 W 92, « Résistance : mouvements ou groupements organisés à la suite de celle-ci. 1948-48 », pochette 20 : « Amicale des Anciens de l’Armée Secrète ».
Il faut bien évidemment lire : « de l’Amicale des Anciens de l’Armée Secrète. »
« [...] But politique : C’est la lutte pour défendre les idées démocratiques. Il y a donc lieu de modifier le paragraphe des statuts relatif à l’objet de l’association en ajoutant : pour la défense des libertés républicaines pour lesquelles ils ont combattu [...]. » ADI, ibidem.
De Combat.
ADI, ibid.