2 – Les dates commémoratives nationales.

Le 11 novembre et le 14 juillet sont des dates commémoratives prépondérantes, qui ne peuvent que figurer au calendrier grenoblois. Leur caractère de fête nationale fait qu’elles ont très profondément ancrées dans la conscience collective aussi bien que dans les habitudes, ce qui leur assure depuis longtemps un réel succès auprès de l’opinion. A ces deux dates repères, on peut aussi joindre celles du 1er et du 2 novembre ; le jour de « tous les Saints » et celui des morts s’unissant pour donner une cérémonie commémorative particulièrement suivie par la population et dépassant en tout cas largement le cadre chrétien.

Pour ces trois dates, on passe donc du système honorifique local au domaine plus large de la mémoire nationale.

Les deux points intéressants sont que contrairement à ce que l’on vient de dire des dates commémoratives locales, aucun problème de calendrier n’est là à signaler, et que, en commémorant le 1er et le 11 novembre, ainsi que le 14 juillet, Grenoble s’inscrit dans une pratique partagée au même moment par toute la France libérée 756 .

L’enjeu principal se situe ailleurs : il consiste à se demander ce que, à la lumière des événements vécus pendant quatre ans, on va célébrer lors de ces cérémonies. Comment une fête à l’origine religieuse comme le 1er novembre peut-elle permettre à la Résistance de se mettre en scène ? Est-ce que la spécificité locale trouve encore l’espace nécessaire à son affirmation lors des cérémonies commémoratives du 11 novembre ? Voilà quelques-unes des questions que doivent se poser les organisateurs. Nous avons déjà examiné la façon dont ils y répondent pour le cas particulier du 11 novembre ; examinons à présent le fonctionnement grenoblois des autres « grandes dates » commémoratives nationales.

Notes
756.

Le télégramme n° 1102 reçu de Paris et immédiatement transmis par le préfet aux sous-préfets et aux maires du département en juillet 1945 insiste sur le caractère particulier de la fête nationale en cette année charnière : « Gouvernement a décidé veillée soirée du 13 juillet consacrée aux morts de la Résistance et de la Guerre. Veillée faite égalité par prisonniers , déportés et résistants [souligné par le préfet Reynier ]. Garde assurée par F.F.I. De 23 heures à 24 heures dans chaque commune veillée devant monuments aux morts , charniers , hauts-lieux de la Résistance et de la Libération [souligné par le préfet]. Avant 23 heures offices dans églises, temples, synagogues consacrés à ceux qui ne reviendront pas et qui par leur souvenir et la cause de la Liberté qu’ils ont défendue sont vivants parmi nous. Bals et réjouissances publics interrompus de 23 heures à 24 heures. Propagande nationale sera menée par radio à ce sujet. Saisir comités d’accueil de cette décision. Leur en confier l’exécution ; donner consigne aux maires. Signé : Frenay  ». En revanche, dès l’année suivante, on note une volonté explicite de revenir » à la normale » en quelque sorte. Et la circulaire de Reynier aux préfets et maires datée du 10 juillet 1947 est très précise à ce sujet : « A l’occasion de la célébration de la Fête Nationale du 14 juillet, j’ai l’honneur de vous faire connaître que le Gouvernement désire que l’on revienne aux commémorations traditionnelles d’avant-guerre [...] [souligné par nous]. » ADI, 54 M 43, « Fêtes Nationales du 14 juillet. 1945-56 ».