III – 1945 : le temps de la conciliation.

Dans une circulaire ministérielle adressée le 12 avril 1946 aux préfets, André Le Troquer, ministre de l’Intérieur, effectue un rappel des principes généraux qui président à l’attribution des « hommages publics 986  ». Au chapitre 4 intitulé « Dénomination des rues », on découvre qu’‘ « en ce qui concerne la dénomination des voies et places publiques comportant hommage public, un décret du 3 janvier 1924 a disposé que, par dérogation à l’ordonnance du 10 juillet 1816, la décision est rendue par arrêté préfectoral ». Le ministre enjoint à ses représentants directs, un an plus tard, d’être très vigilants, c’est parce que selon lui, ‘ « il est indispensable que les modifications nombreuses et parfois successives dues à des passions passagères soient dans toute la mesure du possible évitées. [Il faut pour cela] donner des instructions précises aux municipalités. Certains de vos collègues m’ont signalé s’être trouvés devant le fait accompli et ne pouvoir intervenir a posteriori dans cette matière sensible à l’opinion » ’. Le ministre est alors on ne peut plus clair : ‘ « Je désire que de pareils incidents ne se reproduisent plus. »

Cependant, alors que paradoxalement, en 1944, la pondération avait prévalue et qu’on avait laissé passer la fièvre des premiers mois de la Libération avant de statuer, de surcroît dans un sens de modération politique, en 1945, le Conseil municipal de Grenoble semble radicaliser ses décisions.

C’est le 26 mars 1945, à 21 heures 15, que l’assemblée communale se réunit sous la présidence de Lafleur. « Sur rapport de Monsieur Moulin  », nous apprend le compte rendu des Allobroges 987 , ‘ « [elle] adoptait le projet de changement du nom de certaines rues et places de la ville ». Le Conseil municipal veut « compléter 988  » l’œuvre commencée quatre mois plus tôt, et donner une compagnie aux dix places et rues dédiées en 1944 à la Résistance.

Notes
986.

Archives Départementales de l’Isère : 6473 W 79.

987.

Les Allobroges, numéro du 27 mars 1945, 2ème page.

988.

C’est le mot qu’emploie Moulin, in Registre des délibérations du Conseil municipal de la ville de Grenoble, 1945, p. 5.