Comités d’érection et commanditaires.

Il faut également garder un œil sur le fonctionnement « au quotidien » des Comités d’érection où se côtoient commanditaires impatients et représentants sévères de l’État. Le succès d’un monument, c’est-à-dire son érection finale, dépend en effet pour beaucoup de l’ardeur que le Comité qui s’est créé pour la circonstance met à défendre son dossier. Son action est d’autant plus efficace que celui qui dirige effectivement le Comité (souvent, il y a lieu de distinguer entre la présidence d’honneur et celle du Comité exécutif) est une personnalité connue et respectée du monde des anciens résistants et qui en outre possède l’entregent et l’endurance nécessaires pour entreprendre le long travail administratif que suppose la constitution du dossier.

A Grenoble et dans sa région, comme partout ailleurs en France, la majorité des « traces de mémoire » est due à une initiative familiale, municipale ou associative 1053 . Quel que soit le commanditaire, le processus à l’œuvre est toujours le même qui consiste en quatre étapes essentielles : constitution d’un Comité (qui peut être très modeste, voire ne pas exister « juridiquement » dans le cas par exemple d’une initiative familiale) ; action de recueil des fonds et aussi de constitution administrative du dossier (pour beaucoup de stèles et plaques, cela va vite, ces deux supports étant relativement peu onéreux) ; inauguration du monument (on cherche alors à s’assurer la présence d’une « autorité ») ; puis tenue d’une cérémonie commémorative devant le monument, chaque année recommencée, comme chargée de le « re-inaugurer » en quelque sorte. Les familles agissent vite. Entre la fin de l’été 1944 et le coup d’arrêt de septembre 1946, elles se dépêchent d’honorer le souvenir de leur mort, le plus souvent par l’érection d’une stèle funéraire individuelle. Au cours de la même période, les mairies s’empressent également de baliser mémoriellement le territoire communal en érigeant de petits monuments ou en apposant des plaques commémoratives aux endroits où s’est produit l’événement (ainsi le monument de Pont-de-Claix en souvenir des trois maquisards exécutés le 28 juillet 1944). Les associations sont un peu à part, car non seulement leur action dure dans le temps et excède la période faste (1944-1946) mais en plus, leur propos est un brin différent puisqu’il se veut parfois plus politique.

Présenter au jour le jour le travail de tous les comités que nous avons étudiés 1054 serait long et fastidieux tant la documentation est pléthorique et ne servirait qu’à confirmer par la redondance des exemples, à quelques très rares entorses près 1055 , le rythme quaternaire de leur démarche. Nous préférons plutôt nous intéresser de près à quatre d’entre eux, qui nous paraissent chacun particulièrement révélateur d’une époque.

Notes
1053.

Sur ces aspects, voir Serge Barcellini et Annette Wieviorka, in op. cit., p. 13-18.

1054.

Nous avons particulièrement porté notre attention sur les suivants : Monument du cours Berriat, Valois, Nal, Vauban, Gosse, Déportation (notamment grâce aux dossiers conservés aux ADI : 2696 W 97 ; 13T 3 / 26 et 3 / 27 ; 13R 1021 ; 51M 28).

1055.

Comme celle, déjà évoquée, du monument au docteur Carrier.