B – Chiffres et nombres.

Olivier Vallade aboutit au chiffre global de ‘ « 320 lieux du souvenir ’ ‘ 1085 ’ ‘  » ’, au nombre desquels figurent également les plus récents d’entre eux, comme la plaque inaugurée le 14 septembre 1997 à Voiron en hommage aux victimes de la rafle antisémite dite de « La Martellière » (cf. infra, notre chapitre sur la mémoire juive).

Pour la période 1944-1964, notre propre comptabilité (enquête 1960, ADI et AMG) débouche sur un chiffre déjà impressionnant de près de deux cents marques, traces et lieux du souvenir. Pour Grenoble, il s’établit à quatorze. Si l’on affine la périodisation, il est évident que la très grande majorité de ces monuments, plaques et stèles ont vu le jour dès le lendemain de la Libération. Il semble en effet que la période de deux ans qui court de fin août 1944 à septembre 1946 (date de la directive ministérielle enjoignant au préfet de surseoir à toute demande d’érection) a vu surgir de terre les deux tiers des monuments et stèles et apparaître sur le mur des villes et villages du département presque la totalité des plaques.

Sans conteste, deux ensembles se distinguent. Le Vercors, avec un total de plus de quarante occurrences 1086 en 1964, est un précoce, complexe et autonome « lieu de mémoire » que vertèbrent de très nombreux « lieux du souvenir ». Sa force symbolique globale, alliée au nombre de « monuments » qui le marquent, imposent d’emblée sa prééminence « mémorielle » aux autres maquis isérois (cf. infra, notre chapitre consacré au Vercors).

Grenoble vient ensuite. Le tableau récapitulatif ci-après permet, en croisant le nombre des différents lieux du souvenir 1087 avec la date prouvée ou supposée de leur inauguration, de fournir un panorama relativement complet de la situation grenobloise. Sur les 14 monuments, stèles et plaques qui jalonnent l’espace urbain grenoblois en 1964, 7 datent de la période 1944-1946, 4 de la période 1947-1954 et seulement 3 de la période 1954-1964. Il ne faut à notre sens pas inclure dans ces chiffres grenoblois ceux des communes environnantes, car Grenoble ne rayonne pas encore en maître absolu au sein d’une agglomération qui à l’époque est en cours de constitution : Echirolles, Saint-Martin-d’Hères, Fontaine et Voiron conservent leur indépendance.

Il ressort également de cette comptabilité qu’outre la période « explosive » de la Libération, les millésimes décennaux 54 et 64 sont l’occasion d’une accélération des édifications et appositions. Plus fastes en tout cas que les années 1955 et 1965, ces « pics » et ces « reprises » confirment que le local l’emporte sur le national et l’international ( Libération du territoire contre Victoire et Capitulation ).

Date d'inauguration Nombre de Total et sous- total par
(prouvée ou supposée) Monuments Stèles Plaques année et par période
         
         
1944 0 2 2 4
         
1945     1 1
         
         
1946     2 2
        Sous-total 1946
        7
1947 1     1
1948        
1949        
1950 1     1
1951        
1952 1     1
1953     1 1
1954        
        Sous-total 1954
        4
1955        
1956        
1957        
1958        
1959        
1960   1   1
1961   1   1
1962     1 1
1963        
1964        
        Sous-total 1964
        3
  Total Total Total Total
  3 4 7 14

Une autre remarque s’impose : aucune brigade de gendarmerie ne rend copie blanche en 1960. Si évidemment toutes les communes du département ne possèdent pas un lieu du souvenir (total dedeux cents « monuments » recensés pour un demi-millier de communes en 1964), à l’échelle micro-régionale des brigades de gendarmerie, on ne note aucune absence. Sûrement d’ailleurs que les communes qui sont véritablement vierges de toute trace concrète du souvenir (il faut également faire la part des omissions qui ont pu se glisser dans cette enquête) ont suivi les instructions officielles et se sont contentées d’ajouter sur le monument aux Morts de la Première Guerre mondiale les noms des enfants de la commune « Morts pour la France » entre 1939 et 1945. Celles-là, si elles ne possèdent pas de lieu du souvenir spécifiquement lié à la Seconde Guerre mondiale, disposent quand même d’un lieu de recueillement central, placé sous les doubles auspices de la République et de la « Guerre de Trente ans ».

Notes
1085.

In op. cit., p. 14.

1086.

Qu’en serait-il de ce chiffre déjà écrasant si on « ouvrait » notre statistique à la Drôme ! Il faut en effet se garder de certains effets distordants propres à notre comptabilité. Ainsi, le chemin de croix de Valchevrière, qui compte 14 « étapes » contribue-t-il à enfler un brin artificiellement le chiffre global des lieux du souvenir du Vercors isérois. Mais il s’agit bien de stations indépendantes les unes des autres et qui, comme telles, doivent chacune apparaître ici.

1087.

Nous faisons le choix de considérer comme équivalents les trois supports de mémoire (monuments, stèles, plaques), la démarche étant ici surtout quantitative. Le critère choisi par souci de commodité pour notre comptabilité générale est celui qu’adopte l’enquête de gendarmerie des années 1960, celle qui correspond au plus près à notre propre scansion chronologique. Il induit automatiquement une distorsion, puisque le découpage qu’il adopte est celui du territoire d’action de chaque brigade, lequel diffère du maillage administratif communal.