Une petite vingtaine de ces « pierres de mémoire » mérite, soit par l’événement qu’elle rappelle, soit par leur forme, soit par l’inscription que celle-ci supporte, d’être considérée à part, tant elles échappent à la norme administrative ou à la moyenne commémorative.
Ainsi, par exemple, du monument inauguré en octobre 1946, pratiquement trois ans jour pour jour après l’attaque du Maquis de Tréminis. Si le nom de 19 combattants apparaît bien sur les deux stèles qui encadrent le pilier central, nulle part il n’est fait mention directe de leur sort, dont on se doute qu’il rime avec mort, mais sans qu’aucune inscription ne le certifie. Au contraire, le texte lapidaire central insiste en majuscules sur le fait que ce monument s’élève « EN COMMEMORATION DU COMBAT » et non pas des victimes du combat. L’accent est donc pour une fois volontairement mis sur l’action (dans une optique très militaire), et non pas sur son issue.
Certaines plaques commémorent donc autre chose que la mort. C’est le cas, par exemple, de celle de Murinais :
‘« Vous qui passez Souvenez-vous.La plaque située sur un des murs du foyer municipal de Bourg d’Oisans est elle à la charnière de deux expériences, puisqu’elle dit que
‘« Dans ce FOYER MUNICIPALEt la plaque de bronze apposée à Theys qui rappelle elle simplement que « Le 4 juin 1944 cette commune fut occupée par les troupes allemandes à la recherche du maquis de Theys », quelle mémoire illustre-t-elle, à défaut d’une mémoire combattante ? Celle d’une Résistance passive de la commune, réelle puisque ayant motivé une occupation pourtant très ponctuelle ? Plus ténu, et pour tout dire anodin, l’événement local ne parvient logiquement pas à déboucher sur une mémoire claire.
Beaucoup plus originale est l’inscription de la plaque sise au cimetière de Seyssinet-Pariset, qui pose d’angoissantes et touchantes questions, lesquelles évoquent bien à notre sens la radicale singularité de la Déportation :
‘« En souvenirIntéressant aussi, ce libellé du texte de la borne de départ du chemin de Croix de Valchevrière, car il prouve que la guerre, y compris quand elle est mondiale, est d’abord perçue dans sa chronologie locale : ‘ « Ici commence le chemin de Croix érigé sur la route de Valchevrière après la guerre 1939-1944 ’ ‘ 1139 ’ ‘ . » ’
Révélatrice également, cette fois de l’union posthume des défunts au sein de la mémoire résistante, l’inscription de la stèle de Crémieu. Placée sous la protection de l’expression générique « A nos martyrs de la Résistance de Crémieu », elle est à la fois stèle funéraire, cénotaphe et mémorial, puisqu’elle regroupe les noms de tous les morts de la commune, mêlant « fusillés » et « déportés », « lieutenant » et « général ».
Enfin, on a en Isère, à Salagnon, l’exemple d’une stèle monumentale qui comporte un long texte aux accents parfois presque enfantins, qui nous paraît être représentatif à la fois d’un style littéraire (celui de l’histoire naïve) et de l’imbrication d’au moins quatre mémoires croisées (Réfractaires/Patriotes ; Maquisards ; FTPF; Massacrés) 1140 .
‘« Pour que vive la FranceMais les exceptions les plus notables se rencontrent dans le champ des formes monumentales. Peu nombreuses cependant (13), elles peuvent se répartir en deux catégories.
Reynier répond le 8 septembre 1946 au « Président de la Résistance » de Vienne qui lui adressait via le sous-préfet de Vienne une demande d’apposition de plaque commémorant la destruction d’une maison, que, pour le coup, c’est impossible ; in ADI 13 T 3/26. Voir annexe n° XXVI.
C’est nous qui soulignons.
Est-ce pour cette raison que sa structure de base semble elle aussi construite en abyme ? Cf. photographie en annexe n° XXVII.