Reste, avant d’envisager le poids de l’État, à mesurer le rôle des anciens résistants, de leurs associations. Pour important qu’il est, il est néanmoins clair qu’il est second. L’initiative, on l’a dit, ne revient pas au milieu résistant 1263 qui, cependant, une fois qu’elle a vu le jour après le travail pionnier de Guillard, Dubois et Avezou, participent de très près aux travaux du Comité 1264 . Leur nombre va d’ailleurs s’accentuant à mesure que s’officialise l’idée de la création du musée. Ainsi, sur les 32 membres que compte le Comité en avril 1966, à quelques jours de l’inauguration officielle du musée, un peu plus de la moitié sont d’anciens résistants ou déportés, représentant de manière très complète l’éventail des mouvements, réseaux et associations, la présidence échoyant à Robert Avezou, et le secrétariat à Henri Guillard. Ce qui veut aussi dire que de très nombreux membres ne sont pas d’anciens résistants ou déportés et que la place prépondérante revient encore aux enseignants 1265
Rien dans aucune des pièces que nous avons consultées, ne permet cependant de penser que la Résistance se soit sentie dépossédée 1266 . Tout au contraire, le Comité du musée semble avoir fonctionné de façon relativement harmonieuse entre ces deux groupes, sûrement justement grâce à cette quasi parité Acteurs/Experts qu’il sut mettre en place. D’autant que l’on remarque une absence au sein du Comité : celle des notables locaux, dont on aurait pu craindre qu’une trop massive présence de leur part n’encombrât les travaux du Comité de querelles et de concurrences politiciennes. Pour le coup, aucun ne figure dans la liste du Comité, telle qu’établie en avril 1966. Toujours est-il que cette mise à distance (voulue ?) des politiques a un effet apaisant, et qu’elle est exceptionnelle. Car très souvent, le « tandem association–ville », comme parle Marie-Hélène Joly, est le modèle de création puis de fonctionnement des musées de la Résistance, ceux de la première génération comme les plus récemment créés. La plupart du temps discrète (subvention, fourniture de locaux, etc.) l’action de la ville n’est pas moins réelle même s’il est difficile de l’évaluer au plus juste. A Grenoble, ce n’est, dès le départ, pas le cas. Déjà, en 1963, les RG 1267 notaient que ‘ « M. Michallon ’ ‘ , Maire de Grenoble, informé, a même été invité à une réunion de l’IDEM afin de collaborer au projet de ’ ‘ ’ ‘ création du musée de la Résistance ’ ‘ ’ ‘ mais s’est excusé de ne pouvoir participer à cette réunion ; il serait toutefois favorable à la réalisation du projet. Notons que M. le Docteur Michallon n’appartient pas au Comité de Patronage de l’IDEM. Il ne peut officiellement qu’être intéressé par cette initiative mais il ne semble pas s’attacher spécialement et particulièrement à sa réalisation ». ’
Évidemment, les résistants sont très tôt contactés. Pierre Dubois précise au préfet en mai 1963 que l’initiative de l’IDEM a « été approuvée par diverses organisations de Résistants et par la Ville de Grenoble » ; ADI, 4332 W 180, « musée de la Résistance . 1963-1966 ». D’ailleurs, jamais les résistants ne semblent avoir perçu ce qu’il y a de paradoxal, ou en tout cas de très particulier, à une entreprise qui par définition – le musée étant une institution de conservation de ce qui, pour avoir été d’un lieu et d’un moment précis, n’est plus –, suppose que la Résistance est éteinte, en tout cas historiquement (la question « Éducation civique » ne semblant pas se poser à l’époque), alors qu’eux sont là et bien là, associés à l’entreprise.
Si Guillard est un « ancien résistant » comme le précise utilement Jean Paquet (art. cité, p. 52), ce n’est pas à ce titre qu’il lance l’idée du musée.
Jean Paquet écrit justement que le « rôle des enseignants est frappant [...] » ; in art. cité, p. 53.
D’autant plus que les articles cinq, six et huit des statuts adoptés et déposés en préfecture en 1964 ouvrent largement les portes à toutes les associations, et excluent le débat politique.
Cf. rapport n° 29222, du 8 juin 1963, déjà cité.