D’autant que le choix des objets présentés (principalement armes, containers, parachutes, etc., c’est-à-dire tout un attirail militaire ou paramilitaire, qui dit bien d’ailleurs la vision d’une Résistance qui tend à se réduire à sa dimension armée), mais aussi la typologie qui les organise (notamment les séries d’objets propres à l’activité Résistance : matériel de sabotage, de transmission, etc.) poussent le public à entretenir à leur égard une relation de type religieuse, ou en tout cas votive, en les chargeant d’une fonction de relique (la tenue de déporté de Gustave Estadès, les dernières lettres de résistants écrites au matin de leur exécution, le container parachuté sur Vassieux, l’arme qui a servi à abattre l’officier allemand, etc.), peut-être plus apte à susciter l’émotion qu’à aider à la compréhension 1276 . Le choix de les faire figurer en bonne place dans le musée traduit à notre sens deux volontés : la première, sûrement inconsciente, est assez proche en fait d’une forme de fétichisme qui établit, par son entrée au musée, la dimension sacrale de l’objet et partant de la personne, du groupe à qui il a appartenu (le fanion du Groupe-Franc de Paul Vallier par exemple ; cf. ci-dessous) ou de l’événement auquel il est rattaché (la Déportation, par la tenue rayée et le diorama 1277 de Gustave Estadès).
La deuxième volonté est plus raisonnée, qui vise à insister sur le poids du local , à en affirmer l’importance au sein de la mémoire nationale. C’est là la raison d’être en définitive du musée de Grenoble, qui par exemple, à défaut de pouvoir exposer le képi du général de Gaulle 1278 montre le document qui reproduit la citation de Grenoble à l’ordre de la libération (et non pas l’objet lui-même, l’original étant conservé jusque récemment par la ville).
Pour avoir longuement cheminé à travers les locaux de l’appartement Stendhal, on peut proposer une analyse de la structuration de l’espace propre au musée, de la scansion sensible du lieu, qui en elle-même, révèle déjà une vision globale, reconstruite et « mise en scène », de la période 1279 .
Voici ce qu’écrivait l’article consacré par Le Dauphiné Libéré, le 23 août 1963, à l’inauguration de l’exposition qui devait préfigurer le musée : « Il faut voir cette exposition, il faut s’attarder devant chacune de ses pièces, dont l’éloquence sait vous tirer des larmes de compassion ou des frissons de peur rétrospective ».
Jean Paquet parle très bien de ce diorama : « Parmi les vestiges d’expositions qui doivent être conservés, figure aussi le diorama réalisé par Gustave Estadès et Roger Rahon pour le musée de la rue Jean-Jacques Rousseau , de 1965 à 1966. Une peinture occupant l’espace courbe du fond du diorama représente l’appel à Buchenwald , selon toute vraisemblance. Au premier plan, à gauche, un mannequin au visage émacié porte l’habit de déporté tandis qu’une potence, à gauche, rappelle que les nazis s’arrogeaient à tous moments le droit de vie ou de mort sur les déportés [...] » ; in Mémoires de Déportés. 1943-1995, publication du MRDI, Cent Pages, Grenoble, 1995, p. 7. Cf. annexe n° XXXII.
Que possède le musée de Bayeux.
Au passage, signalons tout ce que « l’appartement-musée » rappelle des analyses de Frances A. Yates (in L’art de la mémoire, Paris, Gallimard, collection “Bibliothèque des histoires”, 1975, 430 p.) sur les techniques mnémotechniques contemporaines héritées de la « maison intérieure » du XVIIème siècle. Voir Gérard Namer, Mémoire et société, Paris, Méridiens Klincksieck, collection « Sociétés », 1987, notamment page 202 et sq.