Reste la question – entrevue de-ci de-là –, du lieu, du local.
A vrai dire, jamais elle ne fut posée en terme de lieu de mémoire de la Résistance puisque jamais on n’a évoqué l’éventualité d’installer le musée dans des locaux à forte charge symbolique, qui en eux-mêmes évoquaient la Résistance ou la Seconde Guerre mondiale 1284 . Ce qui ne se discuta non plus jamais, ce fut le choix de la ville : Grenoble est tout naturellement perçue comme la capitale mémorielle de la région (c’est à Grenoble qu’on fait « descendre » le Vercors, par l’entremise de la « salle des maquis » déjà évoquée).
Ce sont plutôt des lieux patrimoniaux au sens large qu’on envisage pour installer le musée, une fois que la mairie, encouragée par la Préfecture, la première sollicitée, prend conscience que ‘ « [les documents du musée de la Résistance] sont exposés dans une salle de classe désaffectée du boulevard des Adieux ’ ‘ , sombre, humide et sale, cédée par la Municipalité. Outre que ce local hideux est indigne des souvenirs qui sont exposés, nous hésitons à y recevoir des élèves et étudiants [...] ’ ‘ 1285 ’ ‘ » ’. Les murs du couvent de Sainte-Marie-d’en-Haut, près du musée Dauphinois, puis les bâtiments de l’ancienne mairie, au Jardin de Ville, furent un temps proposés pour abriter ces documents, avant qu’on n’abandonne l’idée. Les casemates Saint-Laurent, de nature plus militaire, sont elles refusées début 1965. On se rabat alors, presque en désespoir de cause, sur l’appartement où naquit « Henri Beyle-Stendhal ». Le maire Michallon remet deux de ses salles au Comité, en mars 1965 1286 . Tous ses membres reconnaissent la forte valeur ajoutée patrimoniale du lieu, mais déplorent que les locaux en soient trop exigus 1287 .
L’inscription du « lieu musée » dans la géographie mémorielle dessinée par la toponymie urbaine ne semblait pas véritablement préoccuper le Comité. Seule concession à cette thématique, le cortège qui ‘ « après l’inauguration [du musée] se rendra à pied déposer une gerbe au monument du Docteur Valois ’ ‘ 1288 ’ ‘ » ’, plaçant ainsi la création du musée sous les auspices de celui qu’on donc considère comme le chef du Panthéon de la Résistance grenobloise.
Il est clair qu’en ce qui concerne le « nouveau musée », le choix du lieu répond à une logique « touristique » : « Situé au cœur de la cité, à quelques minutes d’une station de tramway, le nouveau musée est d"un accès facile et s’intègre naturellement dans un parcours culturel ponctué par le Muséum d’Histoire naturelle, le musée de Peinture et le musée Dauphinois [...] » ; in Le Guide du musée, Conseil Général de l’Isère, 1994, p. 7.
Lettre d’Henri Guillard à Maurice Doublet, le 22 octobre 1964. ADI, 4332 W 180.
Le Comité les accepte lors de sa réunion du 7 avril ; ADI, ibidem.
A bien y penser, quel grand écart cependant entre l’écrivain natif de Grenoble, grand admirateur de Napoléon et féroce critique de l’étroitesse d’esprit de ses concitoyens, et la Résistance.
Programme officiel de l’inauguration ; ADI, ibid.