A – Un apolitisme de façade.

Le credo de chacune des deux associations consiste en l’affirmation de son refus du politique. Ainsi, lors de la diffusion d’une émission radio par la FNAR le 28 novembre 1945 (c’est la première d’une série de 5 dont nous avons pu retrouver le texte, cf. annexe n° I), le porte-parole de l’association déclare-t-il que « […] la FNAR se place au-dessus de tous les partis […]. Indépendante de tous les partis et de tous les gouvernements, respectueuse des principes démocratiques dont elle se réclame, elle défendra de toute son énergie les libertés Républicaines reconquises 1326  ». Très marquée à droite – comme le prouve la composition de son Comité Directeur élu le 7 juillet, au sein duquel le Commandant Nal, futur délégué Départemental du RPF, fait figure de chef incontesté –, la FNAR persiste dans cette négation du politique. Lors de son Congrès départemental de janvier 1947, le Président National, Jean Achard, est présent à Grenoble. Regrettant l’absence du Commandant Nal 1327 , il répète la ligne de conduite de la Fédération qu’il dirige : ‘ « […] Pour la F.N.A.R., pas de politique partisane. [Il faut] abandonner toutes les ambitions personnelles, cesser les luttes provoquées par la politique de clochers, rester unis dans l’action […] ’ ‘ 1328 ’ ‘  ».

Cependant, sa prévention à l’égard de la politique s’exerce surtout vis-à-vis du Parti communiste. Quand, lors du Congrès du 10 septembre, on débat d’une éventuelle fusion avec l’AMR, Nal rappelle qu’il a besoin d’ ‘ « assurances formelles de l’A.M.R. garantissant que ce mouvement n’adhérait ni au M.U.R. ’ ‘ 1329 ’ ‘ , ni à aucun parti politique quelconque ’ ‘ 1330 ’ ‘  » ’. En effet, il explique à ses militants que, invité à assister aux travaux du Congrès de l’AMR au début du mois, il a vu ‘ « comment le Congrès de l’A.M.R. avait abandonné ses travaux sur l’unité pour devenir le prétexte à une démonstration communiste avec l’orateur Turrel ’ ‘ , membre directeur régional du P.C. […] ». Les assurances qu’il réclame n’étant pas réunies, il a alors rompu les ponts.

L’AMR avance exactement les mêmes arguments et fait point par point la même démonstration. Elle aussi dit refuser de faire de la politique afin de ne pas galvauder l’héritage moral de la Résistance.

‘« Nous remarquons qu’il faut préciser et répéter une nouvelle fois notre position doctrinale afin que soient levés les doutes que certains commentaires tendancieux et souvent mal intentionnés ont pu faire naître chez quelques-uns. Cette question est celle de l’intérêt même de la Résistance ; celle que nous défendons depuis l’origine, notre congrès du 2 septembre 1945 sous le signe de l’Unité en est bien la preuve. L’AMR accepte et respecte toutes les opinions politiques. La tolérance qui était la règle dans la clandestinité continue à être la nôtre. Nous admettons que des hommes de parti différent, avec bonne foi, sur le meilleur moyen d’assurer le bonheur des français [sic]. Nous n’entendons pas discuter des recettes qu’ils pensent être les plus aptes à impulser l’économie française [sic], à sauver le franc, à intégrer l’empire ou plus simplement à nous donner à manger et à boire. Mais ceci dit, nous entendons que les hommes politiques et les partis ne fassent pas un mauvais usage de la liberté que nos sacrifices et la vie des meilleurs d’entre les Français leur ont rendus. Nous n’entendons pas que la Résistance soit un tremplin quand on veut se hisser au pouvoir et un bouc émissaire quand on est arrivé. Il faut que les promesses soient tenues et que les messages de nos morts ne soient pas bafoués 1331 . » ’

Notes
1326.

ADI, ibidem.

1327.

Sa santé est déclinante et il est alors en traitement dans un sanatorium.

1328.

ADI, 2797 W 92, rapport RG n° 576 du 27 janvier 1947.

1329.

« Mouvement politique qui aura ses représentants aux élections », avait précisé Nal plus tôt ; ADI, Ibidem.

1330.

Ibid.

1331.

Bulletin intérieur de l’Association des Militants de la Résistance, n° 3, 30 novembre 1946, musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, p. 4.