III – Le temps des rejeux (1949-1964).

Les oppositions proprement politiques dans l’interprétation de l’histoire de la Deuxième Guerre Mondiale et de la Résistance surtout, dont on a vu qu’elles étaient radicalement divergentes, se calment à partir de la fin des années quarante. On a ainsi parfois le sentiment que la mémoire de la Résistance se ressoude, même si c’est par défaut, puisqu’elle n’est plus le prétexte idéal à l’exposition des différends de chaque « camp ». Dans le même temps, elle gagne logiquement en autonomie par rapport à la politique. Devenue largement secondaire, la tactique du recours au passé comme ressource politique permet à la mémoire de la Résistance de s’apaiser.

Les « failles » et fractures importantes qui coupaient dans la période précédente au moins en deux le monde des résistants grenoblois et celui de la politique, et dont « l’Affaire Voitrin » marqua le climax, se contentent alors de rejouer, selon un rythme qui ne leur est plus propre, mais qui épouse celui de la vie politique nationale, voire internationale. De plus, en plusieurs occasions, on a la nette impression que le temps ne fait rien à l’affaire, et que ce n’est pas son potentiel naturel d’érosion qui est le premier en cause dans cet apaisement général. On va ainsi mesurer que l’ampleur et la profondeur de ces rejeux 1376 mémoriels obéit surtout à la nature des événements qui les motivent, plus qu’au déterminisme chronologique et qu’à l’inéluctabilité du temps qui passe et qui éloigne fatalement cette période des préoccupations des contemporains.

Notes
1376.

Henry Rousso a le premier employé ce terme, qui doit autant à la géologie, à la médecine qu’à la psychologie. Henry Rousso, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, op. cit., p. 93-100, « Le rejeu de la faille ».