Conclusion générale

La bêtise consiste à vouloir conclure.
Gustave Flaubert, Correspondance, 1887-1893.

La mémoire est un poète, n’en fais pas un historien.
Paul Géraldy, Toi et Moi, 1913.

Vous souvient-il de notre histoire ?
Moi, j’en ai gardé la mémoire [...].
Alfred de Musset, Premières poésies, « A Juana ».

Nous décidons d’interrompre ici notre interrogation plus que nous ne l’achevons, conscients que la construction que nous avons élaborée est par définition provisoire. L’épreuve du temps impose en effet ce destin à toute entreprise historienne de se trouver un jour dépassée. Et puisqu’il faut conclure, nous choisissons d’établir notre conclusion au carrefour des trois chemins qui s’ouvrent à nous en cette fin de parcours.

La voie étroite du strict bilan historique doit être tout d’abord tracée, qui fournira, selon une nouvelle typologie plus diachronique que celle qu’a adoptée notre démonstration, une vue d’ensemble du tableau des mémoires grenobloises de la Deuxième Guerre mondiale.

Il est ensuite impératif – en posant cette question de savoir si la mémoire de la Résistance (et non plus de la guerre...) n’est pas le pôle de référence culturel majeur en même temps que le dernier avatar du particularisme identitaire grenoblois – de jalonner une autre voie : celle qui conduit au cœur de l’identité collective de Grenoble après-guerre.

Enfin, et puisque cet essai n’était qu’un premier essai 1863 , pourquoi ne pas émettre d’autres hypothèses de travail, qui permettraient de dépasser l’horizon chronologique de cette démonstration et de baliser ainsi la piste d’une recherche qui s’étendrait jusqu’à nos jours ?

Proposer de stationner au point de convergence exact où ces trois chemins combinent leurs trois logiques différentes, et de conclure là, c’est choisir de ne pas clore notre étude, de ne pas la refermer sur elle-même, mais au contraire de l’ouvrir à de nouvelles perspectives. Car dans la célèbre maxime de Flaubert sous les auspices de laquelle nous plaçons ce texte final, ne faut-il pas entendre, plutôt que l’éloge d’une prétention démesurée à l’exhaustivité, l’écho d’un lucide constat d’humilité, qui commande de toujours continuer à travailler ?

Notes
1863.

Pas tout à fait cependant, puisque nous avions déjà plusieurs fois tenté d’évaluer le poids de la mémoire grenobloise de la Deuxième Guerre mondiale à travers nos travaux antérieurs, que nous rappelons ici pour la dernière fois : Mémoire et enjeux de mémoire. Grenoble à la Libération (1944-1946), mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine sous la direction de Jean-Pierre Viallet, Université des Sciences sociales de Grenoble (Pierre Mendès France)/UFR des Sciences humaines, département d’histoire, septembre 1991, 452 p. ; Mémoire et enjeux de mémoire de la Deuxième Guerre mondiale à Grenoble et dans sa région (1944-1964) : essai d’approche méthodologique et perspectives de recherche, mémoire de DEA (Relations et Interactions Culturelles Internationales), sous la direction de Pierre Guillen, Université des Sciences sociales de Grenoble (Pierre Mendès France)/UFR des Sciences humaines, département d’histoire, septembre 1993, 253 p. ; « “Grenoble est libéré !” L’opinion publique grenobloise à la Libération. Enjeux d’images et représentations mentales », in Cahiers d’Histoire, tome XXXIX, n° 3-4, numéro spécial, p. 271-299 ; Grenoble à la Libération (1944-1945). Opinion publique et imaginaire social, Paris, L’Harmattan, collection « Mémoires du XXè siècle », 1995, 318 p.