I – Poids et choix du passé : les mémoires de la Deuxième Guerre mondiale comme traditions historiques.

La mémoire grenobloise collective de la Deuxième Guerre mondiale n’existe pas, au sens où elle n’est pas une et indivisible. Au contraire, l’écosystème mémoriel grenoblois est original parce qu’il est kaléidoscopique. Traversée de flux mémoriels plus ou moins puissants, de courants de mémoires rodées, mais aussi d’inframémoires de temps à autre échappées du confinement et de l’ankylose auxquelles elles sont d’ordinaire vouées, de concurrences et de rivalités aussi, « la mémoire commune partagée » de la Deuxième Guerre mondiale se caractérise à Grenoble par sa multiplicité et sa plasticité.

A voir évoluer ces mémoires sur le temps mi-long d’une double décennie, il apparaît que ce trois « familles » de « sous-mémoires » étayent, chacune à un degré différent, une mémoire grenobloise de la Deuxième Guerre mondiale qui ne serait donc pas véritablement collective, mais plutôt une mémoire d’ensemble, au sens de mémoire compilée. Ce qu’elles ont indéniablement en commun, c’est leur indéfectible attachement au passé proche de la guerre, qui pèse d’un poids tellement lourd qu’il constitue leur indépassable horizon identitaire. Mais pour exister, une mémoire doit avoir un mobile . Celui-ci peut être simple et classique réitération éternelle du passé identitaire ou volonté de transformation du présent par le biais d’une lecture offensive de ce même passé. En tous cas, il doit s’affirmer, et ce dans l’espace public, sous peine d’hypothéquer les chances de reconnaissance de la mémoire qu’il oriente. Or, si toutes les « sous-mémoires » grenobloises de la Seconde Guerre mondiale sont lestées de la charge de cette tradition, elles ne l’envisagent pas de semblable manière, avec le même appêtit pourrait-on dire. Ce sont les choix qu’elles font d’user de ce passé de façon plus ou moins dynamique qui aident à mieux les cerner et à les différencier.