Annexe XIII
Les catholiques grenoblois et la mémoire longue de la Révolution Française 1925 .

«  LE VRAI SENS DU 14 JUILLET.

Le 14 juillet ? La fête de la Bastille. Telle est la réponse quasi unanime de la majorité des Français. Elle n’est pas absolument exacte. Si, ce jour-là se commémore bien cette petite émeute parisienne qu’on éleva au rang de symbole, le premier anniversaire qui eut lieu, l’an suivant, revêtit un bien autre caractère. Ce qu’on célébra, le 14 juillet 1790, se fut, bien plus qu’un épisode de la lutte pour la liberté, un vaste effort vers la fraternité retrouvée [...].

14 juillet, fête de la fédération... Le mouvement des fédérations est certainement le plus important des élans spirituels qu’a provoqués la grande secousse de 89. Il est une réaction spontanée de la conscience française en face de l’anarchie menaçante. Il est le témoignage de cette fraternité que les Français font souvent semblant d’oublier, mais qui tisse ses liens au cœur même de leur histoire.

Au lendemain de la prise de la Bastille, les cadres royaux s’écroulent dans le pays entier. Les soldats n’obéissent plus aux officiers, et les juges ne rendent plus la justice. Partout le désordre... C’est alors que se produisit cette réaction spontanée, instinctive, du peuple de France, aux forces qui la minaient.

Le mouvement naît en Dauphiné, à Étoile, près de Valence. Le Dauphiné, qui avait donné le premier élan vers la liberté, à Vizille, le donne aussi vers la fraternité [...].

Ainsi cette fête du 14 juillet revêt-elle l’immense importance de prouver à quel point la Révolution, bien loin d’être une rupture, demeure dans la continuité de l’histoire française. Elle s’intègre dans toute une tradition. Elle prouve que par delà les erreurs et les dissentiments, la France sait se retrouver comme une vivante communauté. Le grand rassemblement des terres françaises avait été accompli par les rois, en mille ans. Toute une politique de conquête, de mariages, d’achats, d’héritages, avaient patiemment uni le pays à l’intérieur des frontières. Mais cet effort n’avait jamais été séparé de la volonté profonde, intime, du peuple français. Entre les deux, il y avait toujours un accord. Bouvines, Jeanne d’Arc, au moment où l’autorité royale semble crouler, pour que le lien ne se rompe pas, les Français l’affirment avec solennité. L’unité nationale a désormais ses bases dans l’expression publique d’une volonté libre. Ensuite pourront venir des erreurs sanglantes, d’affreux déchirements : cette volonté, quoi qu’on fasse, demeurera au cœur de notre peuple...

Daniel ROPS. »

Notes
1925.

Le Réveil, numéro du 13 juillet 1945, 1ère page.