c. La monétarisation des effets externes

L’internalisation vise à réintroduire les effets externes dans les choix des agents économiques. Bonnafous suggère plusieurs types d’internalisation. Celle-ci peut être sensible, intégrée par un agent et son univers de choix, ou pécuniaire conduisant alors à la détermination d’un prix. Lorsque l’internalisation est pécuniaire, elle peut revêtir trois formes, à savoir radicale quand le responsable de l’effet externe en supporte le coût, non radicale, quand l’agent qui subit l’effet externe en assume le coût, ou budgétaire, quand la puissance publique en supporte les coûts.

Les formes d’internalisation s’intéressent aux préférences révélées des agents par leurs comportements et leurs dépenses en fonction des effets externes (coûts d’évitement, coûts des dommages, dépenses de protection, coût du trajet et prix hédonistes). Par exemple, pour monétariser le bruit, l’étude des dépenses de protection engagées par les ménages contre cette nuisance (double vitrage, isolation des façades) peut être réalisée. Ces méthodes privilégient une approche économétrique afin de tenter une monétarisation des effets externes.

D’autres méthodes dites de préférences déclarées étudient les préférences des agents économiques en les interrogeant directement (évaluation contingente). Par exemple, elle consiste à demander aux ménages le prix qu’ils sont prêts à payer pour ne pas supporter, ou pour voir diminuer, un niveau de nuisances ou leur consentement à accepter une augmentation du niveau de nuisance ou l’absence d’un niveau de nuisance. Il s’agit d’une approche psychométrique. La méthode contingente peut également recourir à l’économétrie.

Les enjeux d’une connaissance des effets de l’aménagement de l’espace public urbain sont importants. Les acteurs publics engagent des dépenses croissantes. Les ménages supportent une partie du financement des politiques d’aménagement de l’espace public urbain par l’impôt. Par ailleurs, ils sont les premiers à bénéficier des effets externes provoqués par l’aménagement de l’espace public urbain, ou à les supporter. Ceci nous conduit à nous intéresser à la monétarisation de ces effets externes.

En effet, les ménages tiennent compte de l’aménagement de l’espace public urbain quand ils déterminent leur lieu de résidence. Leurs préférences pour certains aménagements sont susceptibles d’influencer leur choix de localisation, qui peut avoir un impact sur les prix des biens immobiliers.

Il s’agit pour nous de mesurer l’impact de l’aménagement de l’espace public sur les prix de l’immobilier résidentiel. Dans ce contexte, quelle est la valorisation immobilière de l’aménagement de l’espace public urbain ?

Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’étudier les déterminants micro-économiques de la localisation des ménages. Ceci renvoie aux théories de localisation résidentielle, aux modèles et aux tests de la capitalisation (valorisation) immobilière de l’offre de biens publics locaux, qui fournissent des éléments sur les critères de choix des ménages et sur leurs incidences sur le prix de l’immobilier résidentiel. Un test empirique permettra d’éprouver la nature et la mesure de l’importance de l’aménagement de l’espace public urbain sur la valorisation immobilière. Il s’appliquera aux transactions immobilières concernant les biens immobiliers collectifs dits anciens achetés par des particuliers en 1995 sur le territoire de la commune de Lyon.

Le marché de l’immobilier se caractérise par la localisation des logements dans l’espace. Cette spatialité des observations nous amènera à nous poser la question de l’existence de l’autocorrélation spatiale. Celle-ci illustre l’existence d’une relation fonctionnelle entre la valeur d’une observation statistique à un lieu donné et celles relevées ailleurs dans l’espace.L’organisation singulière des transactions immobilières nous conduira à recourir à des modèles économétriques plus spécifiques à l’analyse spatiale.

La première partie de cette thèse aura pour objet de présenter les cadres théoriques qui permettent de formuler des hypothèses quant aux déterminants micro-économiques des prix de l’immobilier résidentiel. Après l’exposé des caractéristiques des biens publics locaux et des effets externes (chapitre I), nous analyserons les modèles de localisation résidentielle issus des travaux d’Alonso et indiquerons les conséquences de l’introduction de l’anisotropie des localisations au sein de ces modèles (chapitre II). Ensuite, nous examinerons les tests empiriques et les modèles de capitalisation de l’offre de biens publics locaux (chapitres III et IV). Cette première partie débouchera sur une synthèse des hypothèses de travail retenues.

Nous exposerons dans une seconde partie notre démarche empirique. Nous montrerons l’intérêt de la méthode des prix hédonistes pour autoriser la valorisation immobilière de l’offre de biens publics locaux (chapitre V). Les contraintes inhérentes à la disponibilité des données et aux tests empiriques précéderont la présentation des résultats de l’estimation par les méthodes standard de l’économétrie (chapitre VI). Nous expliquerons les raisons qui nous ont contraints à nous intéresser à la distribution spatiale des observations (chapitre VII). Enfin, nous estimerons une fonction spatiale de la valorisation immobilière de l’aménagement de l’espace public urbain (chapitre VIII).