1.2. Les effets externes pécuniaires versus les économies externes technologiques

Viner et Scitowsky (DELVERT, 1995, p. 17) distinguent les effets externes pécuniaires des effets externes technologiques. Ils sont à l’origine de la notion contemporaine des effets externes. Chez Marshall, cette distinction n’est pas réalisée explicitement. En effet, les économies externes marshalliennes proviennent-elles d’une baisse des prix des consommations intermédiaires de la firme, ou résultent-elles d’une interaction physique de la firme avec son environnement non prise en compte dans la fonction de production de la firme ? Viner montre la différence de nature de ces deux explications pouvant être source d’économies externes. Les effets externes pécuniaires correspondent à des interdépendances directes entre les agents, médiatisées par les prix. Les effets externes technologiques sont des effets provenant de facteurs non rémunérés.

Cette distinction conduit à une catégorie d’effets externes qui passe par les prix (pécuniaires). Mishan (1971) considère que l’utilisation de la notion d’effet externe pour désigner ce type d’effets conduit à une dilution du concept. En effet, l’effet externe qui passe par le système des prix n’est plus un effet externe puisqu’il passe par la fonction de production de la firme sans remettre en cause sa forme. Pourtant, Laffont (1988) montre l’intérêt de cette notion dans le cas où l’on dépasse le rôle du prix comme coordinateur dans l’équilibre général et que l’on intègre le rôle du prix comme information. Ceci renvoie aux markets for lemons d’Akerlof et Yellen, où le prix est considéré comme un signe de qualité. ‘L’action d’un agent qui modifie les prix change le contenu informatif des prix, donc les anticipations des autres agents, donc leurs utilités espérées. Il y a bien une influence de l’action de l’agent sur les fonctions d’utilité des autres par l’intermédiaire de cette externalité informationnelle via les prix’ (Laffont, 1988).

En 1952, Meade propose une distinction concernant les effets externes. Il ne s’intéresse qu’aux effets non pécuniaires et décrit les effets externes entre facteurs technologiques non rémunérés et les effets d’atmosphère. Il spécifie les effets d’atmposphère de la manière suivante : ‘we must now turn to external économies and diseconomies which are due to the fact that the activies of one group of producers may provide an atmosphere which is favorable or unfavorable to the activities of other groups of producers’. L’illustration célèbre du rucher et du verger de Meade, où un maraîcher bénéficie de la proximité du rucher de son voisin apiculteur dont les abeilles, par la pollinisation de son verger, améliorent la récolte, sans pour autant le rémunérer, sert pour définir les effets externes technologiques.

Les économies externes de Marshall sont progressivement remplacées par une typologie des effets externes plus complexes. Les contours du concept d’effets externes demeurent mouvants. Afin de parvenir à la définition contemporaine des effets externes, il est nécessaire de les caractériser à l’aide de leurs propriétés mises en lumière par la littérature, à savoir l’interdépendance, le caractère non marchand, l’absence d’incitation.