3.2. L’équilibre spatial du consommateur

Dans le modèle d’Alonso, l’unité de décision est le consommateur. Zoller (1988) indique que les termes consommateur et ménage sont des synonymes. Chaque consommateur, désirant résider dans la plaine monocentrique et isotrope, doit faire face à un choix complexe. Ce choix est décrit comme un arbitrage entre une localisation et un bien composite. Ainsi, l’économie comporte deux biens : le sol et un bien composite servant de numéraire. Les biens composites comme les emplois sont localisés au centre. Le choix de la localisation résidentielle se caractérise par la détermination simultanée de la distance au centre d, des quantités de sol s dont le prix est la rente de marché R(d) et de la quantité du bien composite consommé x. Le modèle d’Alonso reprend la théorie néoclassique du consommateur. Le consommateur, qui fait un choix de localisation, cherche à maximiser son niveau d’utilité sous contrainte de son revenu. Dès lors, ces trois variables entrent dans la fonction d’utilité des ménages U.

Le comportement du ménage est décrit comme la maximisation de sa fonction d’utilité sous contrainte de son revenu (Y). Le revenu sert à acheter la quantité du bien composite, à acheter la quantité de sol consommé et à supporter les coûts de transport T(d).

Alonso spécifie les propriétés des différentes fonctions de son modèle de localisation des ménages. Ainsi la fonction d’utilité est-elle croissante en x et en s, et décroissante en d. Elle est continue, deux fois différentiable et strictement quasi-concave. La fonction T(d) est croissante, continue, deux fois différentiable et strictement concave ou linéaire avec Td < 0 et Tdd0. La fonction de rente de marché R(d)est continue et décroissante.

Implicitement, Alonso pose une hypothèse de préférence du ménage pour la centralité. En effet, les dépenses consacrées au transport augmentent avec la distance au centre, tandis que le prix du sol décroît dans le même temps. Alonso justifie très peu cette hypothèse de préférence pour la centralité. Il évoque le statut du centre comme lieu de localisation des achats, des loisirs et de l'emploi et les nuisances provoquées par les migrations alternantes pour expliquer cette préférence (ALONSO p. 26 et p. 34).

La résolution du programme de maximisation (2.2) permet de trouver les équations définissant l’équilibre spatial. Pour ce faire, nous annulons les dérivées partielles du lagrangien associé au programme (2.2). Soit le lagrangien

Avec  le multiplicateur de Lagrange. Les conditions de premier ordre sont les suivantes :

On obtient les résultats suivants

Le premier résultat du système (2.5) signifie que le taux marginal de substitution entre s et x est égal au rapport des prix (il est à noter que le prix du bien composite x sert de numéraire dont px = 1) lorsque la localisation est optimale. La dernière équation de (2.5) correspond au résultat traditionnel de la contrainte saturée à l’optimum.

La seconde équation correspond à la condition d’équilibre spatial. Elle signifie que le taux marginal de substitution entre la distance et le bien composite égalise le rapport entre ce qu’appelle Alonso le coût marginal d’un mouvement spatial, sRd + Td, et le prix du bien composite (px = 1). Le terme sRd désigne l’économie de dépenses engagées pour obtenir la quantité de sol consommée lors d’un déplacement marginal d’une localisation centrale vers la périphérie et Td représente les dépenses supplémentaires consacrées au transport pour le même déplacement marginal. Nous savons que la fonction d’utilité est décroissante avec la distance (Ud<0), que l’utilité marginale pour le prix du bien composite est positive (Ux>0) alors le coût marginal provoqué par un éloignement du centre est négatif (sRd + Td ). La quantité de sol consommée et le coût marginal sont positifs, ceci induit que la dérivée de la fonction de la rente de marché par rapport à la distance est négative. Aussi les ménages se localisent-ils en un lieu où la fonction de prix du sol est décroissante et où les économies sur les dépenses pour le sol induites par un déplacement marginal vers la périphérie excèdent les dépenses provoquées par les coûts de transport supplémentaires.

Ces résultats découlent des hypothèses sur la structuration de la ville posées par Alonso. En effet, dans une ville isotrope où les localisations se distinguent uniquement par leur distance au centre, les ménages devraient se localiser au plus près du CBD. Ce phénomène devrait être amplifié par l’hypothèse de préférence des ménages pour la centralité. L’existence d’une rente de marché décroissante avec la distance au centre qui compense les coûts de transport croissants autorise leur localisation en périphérie. C’est donc le gradient de rente foncière décroissant avec la distance au centre, expliqué par les coûts de transport, qui ‘situe le modèle d’Alonso dans la tradition thünenienne de la rente de localisation pure’ (ZOLLER, 1988, p. 74).