3.5.4. Une modification des revenus

Dans le modèle de Von Thünen de concurrence spatiale des productions agricoles, les produits agricoles, dont la courbe de rente est la plus élevée, sont mis en culture à proximité du centre. Le modèle d’Alonso reprend ce résultat. Ainsi les ménages qui ont les courbes de rente offerte les plus pentues se localisent le plus près du centre. Nous allons observer l’impact d’une modification des revenus sur les courbes d’enchères.

Pour ce faire, reprenons le système (2.4).

A partir des deux premières équations du système, nous obtenons :

L’équation (2.16) correspond à la dérivée de la courbe de rente offerte à l’optimum. Nous allons mesurer l’impact d’une augmentation des revenus sur cette dérivée. La pente de la courbe de rente offerte est négative. En effet, la distance a une utilité marginale négative. ‘Both elements of the right side of the equation, so that both contribute to the negative character of the slope of the bid price curve. The first term is negative because of the disutility of distance, while the second represents commuting costs’ (ALONSO, 1964, p.71).

Des revenus supplémentaires vont faire augmenter la quantité de sol consommée. En effet, l’utilité marginale du sol est positive. La quantité de sol intervient dans la première partie du membre de droite de l’équation (2.16) mais également dans les coûts d’accessibilité. Une augmentation de la quantité de sol consommée tend à accroître la dérivée de la courbe de rente offerte. Aussi la pente de la courbe de rente offerte est-elle moins importante quand le revenu augmente (la pente est négative). L’augmentation des revenus s’accompagne d’autres effets.

Les revenus supplémentaires conduisent également à la modification du rapport des utilités marginales Ud/U5. Nous savons que l’augmentation des revenus conduit à une augmentation de la quantité consommée de sol. Ceci conduit à une diminution de l’utilité marginale du sol. Parallèlement l’utilité de la distance décroît. Le rapport des utilités marginales (qui est négatif du fait du signe négatif de l’utilité marginale de la distance) diminue, cela provoque alors une augmentation de la pente de la courbe de rente offerte.

Les effets présentés sont de sens contraires. Aussi est-il nécessaire de recourir à des hypothèses supplémentaires. Alonso introduit une distinction entre le cas des villes américaines et les autres afin d’expliquer la localisation des ménages. Aux états-Unis, les ménages à hauts revenus sont localisés en périphérie de la ville. Alors que dans les autres pays, la périphérie est plutôt occupée par des ménages à bas revenus. Alonso propose une explication de l’organisation spatiale des agglomérations aux États-Unis.

‘Given a strong appetite for land, so that the holdings of land vary greatly with income, the wealthier are affected relatively less by the costs of commuting because they spread these costs over larger sites. Consequently, the rich are price-oriented whereas the poor are location-oriented. Less accessibility being bought with increasing income, accessibility being bought with increasing income, acessibility behaves as an inferior good. This is a possible explanation of the paradox encountered in American cities, of the poor living on expensive central land and the rich on cheaper peripheral land (ALONSO, 1964, p. 109).’

Dans le cas américain, les ménages à hauts revenus ont une préférence pour la consommation de sol qui les pousse à se localiser en périphérie. Dans ce cas, le taux de décroissance du rapport des utilités marginales est moins fort que le taux de croissance de la quantité de sol consommée. En ce qui concerne les villes européennes, Derycke (1982) indique que les ménages aisés se localisent au centre du fait de la faible variabilité de la taille des parcelles, résultant soit des préférences des ménages, soit d’une forte contrainte sur la disponibilité du sol qui n’est pas contrebalancée par l’augmentation de la préférence pour la centralité.

Certes, l’explication donnée par Alonso est souvent considérée comme une hypothèse ad hoc (GOFFETTE-NAGOT, 1994, p. 76). Mais elle permet de passer du modèle à l’analyse de l’organisation des agglomérations en termes de localisation des ménages en fonction de leurs revenus.