3.6.2. L’absence d’équilibre général

L’analyse d’Alonso ne débouche pas sur un modèle d’équilibre spatial mais sur une succession d’équilibres partiels. En effet, Alonso étudie les choix de localisation des différents agents économiques (ménages, entreprises, producteurs agricoles). Il doit déterminer ‘la fonction de prix du sol obtenue par le jeu de la concurrence entre les différents agents qui est la courbe enveloppe de l’ensemble des courbes de rente offerte’ (GOFFETTE-NAGOT, 1994, p.71). Cet apport est l’originalité du modèle d’Alonso. Mais ceci est remis en cause par l’hypothèse de centralité des emplois du modèle.

En effet, il existe dans sa tentative de trouver un équilibre général une incohérence qui est l’une des critiques fondamentales du modèle. Lors de l’analyse du comportement des ménages en termes de localisation, l’ensemble des emplois est situé dans le centre, dans le CBD. Puis de façon incongrue, Alonso s’intéresse à la localisation des entreprises. Il ne peut pas lier les deux équilibres afin de proposer un équilibre général des agents économiques.

La détermination d’un équilibre général pour toutes les activités suppose l’abandon de la localisation centrale des emplois. En effet, ‘le problème d’équilibre général est de déterminer simultanément les localisations des résidents et des entreprises qui les emploient, c’est-à-dire de structurer un espace totalement vide, en l’absence de centre fixé’ (HURIOT, 1994a). Par ailleurs, Fujita (1986) montre que le théorème d’impossibilité spatiale démontré par Starrett (1978) énonce que ‘le mécanisme du marché pur et parfait ne peut engendrer l’agglomération spatiale des activités’. Aussi doivent-ils supposer l’ouverture de l’espace aux échanges extérieurs, la présence d’externalités ou l’existence d’une concurrence imparfaite avec la présence d’économies d’échelle (GOFFETTE–NAGOT, 1994, p. 72).

Par ailleurs, l’équilibre spatial est conditionné à l’hypothèse de constitution d’une métropole instantanée. En effet, il est supposé qu’il n’existe pas de coûts à la mobilité et à la réaffectation de l’espace. ‘La difficulté réside dans la prise en compte de l’extrême durabilité des logements et des affectations de l’espace. Si l’on renonce à admettre que le sol puisse être instantanément gommé de toute trace d’occupation antérieure, pour être rendu à son état initial de bien spatialement indifférencié, l’on se heurtera à nouveau au problème de la convexité de l’ensemble des consommations physiques possibles. Ceci non seulement parce que la diversité du stock des logements existants rend totalement vide de sens l’idée d’un espace homogène, mais aussi en raison de la non-divisibilité de la consommation résidentielle (le logement n’est pas disponible à chaque niveau de qualité en tout lieu ; la taille des parcelles est fixée dans le tissu urbain préexistant’ ) (ZOLLER, 1988, p. 67)

Ces critiques remettent en cause la pertinence du modèle d’Alonso à l’occasion de l’analyse de l’équilibre général. En revanche, son analyse des équilibres partiels demeure riche d’enseignements.