4.3. Une meilleure spécification des transports

Le modèle canonique prévoit uniquement des déplacements domicile-travail sur des rayons entre le centre qui regroupe tous les emplois et le reste de l’espace. Le réseau est suffisamment dense pour que les coûts entre le domicile et la radiale la plus proche soient éludés. Par ailleurs, le coût de transport est croissant avec la distance au centre. Les coûts de transport sont similaires pour tous les ménages. Il n’existe pas de différenciation du coût de transport en fonction des revenus des ménages. Plusieurs apports ont été faits depuis les travaux d’Alonso.

Déjà avant les travaux d’Alonso, Wingo (1961) introduisait dans l’analyse de la composition du coût de transport la notion de coût généralisé de transport. Ce dernier se décompose entre une partie fixe dépendant du nombre de déplacements réalisés et une partie variable fonction de la distance parcourue et du temps de transport supporté. L’analyse de Wingo ouvre la porte à l’estimation de la valeur du temps qui est fonction notamment des revenus des ménages et à l’étude des phénomènes de congestion.

Dans le modèle de Muth (1969), les coûts de transports dépendent de la distance et des revenus du consommateur. Il introduit indirectement la valeur du temps. Ainsi les consommateurs ayant les revenus les plus élevés supportent les coûts de transport les plus importants. A l’inverse du modèle d’Alonso, la fonction d’utilité des ménages n’a pas pour attribut la distance au centre. Les ménages maximisent leur utilité sous la contrainte de budget. Le lagrangien s’écrit de la façon suivante :

Les conditions de premier ordre sont les mêmes que celles du modèle d’Alonso à l’exception de la condition d’équilibre spatiale qui est notée :

Ainsi à l’équilibre, l’augmentation des coûts de transport liés à un déplacement marginal est compensée par les économies réalisées sur les coûts pour le logement. Il s’agit de la condition de Muth.

Au côté de l’amélioration du calcul du coût de transport, le réseau des transports peut être complexifié. Par exemple, l’introduction d’un réseau en périphérie, qui permet de contourner certaines radiales, a été proposée par Perreur et Thisse (1974). Cela a débouché sur des formalisations mathématiques complexes mais dont l’apport principal est d’essayer de représenter de façon plus réaliste les réseaux de transports. Pourtant, les modèles de ce type ne spécifient pas les modes de transport utilisés par les ménages lors de leurs déplacements.

D’autres auteurs ont proposé des spécifications plus complexes du système de transport dans les modèles de localisation résidentielle. Mills (1967) indique que les déplacements sont réalisés en voiture particulière. Capozza (1973) suggère que l’organisation des transports soit formée, à la fois d’une voirie réservée aux VP et d’une offre de transport collectif représentée par un métro. Capozza montre que le métro domine jusqu’à une certaine distance. Ceci n’est pas sans effet sur le profil des valeurs foncières. Gannon (1993) indique que l’introduction d’une voirie urbaine rapide à péage pour rejoindre le centre d’une agglomération modifie les valeurs foncières et la localisation des ménages à hauts revenus.

Le modèle canonique n’évoque pas la possibilité de phénomènes de congestion sur les radiales. Cette congestion existe pourtant. En effet, la croissance de la population, l’augmentation des migrations alternantes en direction du centre entraînent des phénomènes de congestion. Cette question est abordée soit par l’augmentation de la voirie pour répondre au développement de la motorisation comme en Europe à partir des années soixante, soit par la taxation de l’usage de l’infrastructure.

Pour intégrer la congestion dans les modèles de localisation résidentielle, plusieurs pratiques ont été suggérées. La première consiste à introduire un coût de transport fonction de la qualité de la circulation (inversement proportionnelle à la densité du trafic) dans la contrainte budgétaire. Ainsi à la place de maximiser le lagrangien suivant :

On le remplace par le lagrangien :

Avec (c) la fonction croissante de densité du trafic c et Tc>0.

La seconde méthode pour introduire la congestion dans les modèles de localisation résidentielle passe par l’introduction dans la fonction d’utilité des ménages du temps de loisir fonction de la densité du trafic.

Alors l’équation (2.24) devient :

avec l(c) le temps de loisir fonction de la densité du trafic et lc<0.

L’introduction de la congestion dans les modèles de localisation résidentielle a des conséquences sur les gradients de rente foncière. Solow (1972) montre que l’existence d’une congestion décroissante avec la distance au centre dans un modèle où l’offre de transport est constante pour tous les points de l’espace conduit à une augmentation de la convexité des gradients de rente foncière à proximité du centre. Derycke et Gannon (1990) introduisent la congestion en supposant l’existence de réseaux de transport confrontés à des phénomènes de congestion différents en termes de localisation et d’intensité. Ils combinent les deux méthodes d’introduction de la congestion dans les modèles de localisation résidentielle. Ainsi ils trouvent que les gradients de rente foncière peuvent ne pas être décroissants avec la distance.