1.2. Le modèle de Tiebout

Tiebout (1956) tente d’expliquer le choix résidentiel des consommateurs par les dépenses engagées par les communes pour financer différents niveaux d’offre de biens publics locaux. Ainsi, la mise à disposition de biens publics par les communes rentre dans le processus de choix des consommateurs. Le consommateur satisfait au mieux ses préférences lors du choix de sa commune de résidence. Le vote avec les pieds révèle les préférences des consommateurs pour les biens publics locaux. Cela conduit à une allocation optimale des biens publics locaux. Ce mécanisme est dénommé l’hypothèse de Tiebout.

‘The consumer-voter may be viewed as picking that community which best satisfies his preferences pattern for public goods. At the central level the preferences of the consumer-voter are given, and the government tries to adjust to the pattern of those preferences, whereas at the local level various governments have their revenue and expenditure more or less fixed. Given these revenue and expenditure patterns, the consumer-voter moves to that community whose local government best satisfies his set of preferences. The greater the number of communities and the greater the variance among them, the closer the consumer will come to fully realizing his preference position (TIEBOUT, 1956, p. 418).’

Tiebout élabore un modèle de gouvernement local soumis à sept hypothèses.

  •  Les consommateurs sont parfaitement mobiles. Ils choisissent, comme lieu de résidence, la commune qui satisfait au mieux leurs préférences pour les biens publics locaux ;
  •  Les consommateurs possèdent une connaissance complète de la fiscalité et de l’offre de biens publics proposée par toutes les communes ;
  •  Il existe un nombre suffisant de communes pour que chaque consommateur puisse trouver un lieu de résidence correspondant à ses préférences ;
  •  Les consommateurs vivent de leurs rentes. Cette hypothèse permet de s’affranchir de la contrainte de l’emploi ;
  •  Les biens publics locaux ne provoquent ni d’économies externes, ni de déséconomies d’échelle entre communes ;
  •  Les biens publics correspondent aux préférences des habitants actuels de la commune. La taille optimale de la commune est déterminée par l’espace donné et les demandes des habitants ;
  •  Les communes dont la taille est inférieure à la taille optimale attirent les nouveaux résidants au coût moyen le plus faible. Les autres communes tentent de conserver leur population constante.

Ces hypothèses posées, on comprend que le choix de la commune par un consommateur, c’est-à-dire sa mobilité, révèle ses préférences pour l’offre de biens publics locaux d’une commune. ‘The act of moving or falling to move is crucial. Moving or failling to move replaces the usual market test of willingness to buy a good and reveals the consumer-voter’s demand for public goods. Thus each locality has a revenue and expenditures pattern that reflects the desires of its residents (’TIEBOUT, 1956, p. 420).

Les travaux de Tiebout ont débouché sur de nombreux tests empiriques que l’on peut classer en cinq catégories (DOWDING et alii, 1994) :

  • La taille optimale des communes
    Cette question est récurrente en économie spatiale et en finances publiques. Elle se base sur l’existence d’économie d’échelle et d’envergure pour expliquer la taille importante d’entités administratives ou, a contrario, sur l’idée d’une meilleure adéquation de l’offre de biens publics aux préférences des consommateurs pour justifier une taille plus petite des communes ;
  •  L’homogénéité et le tri de la population
    La première conséquence du modèle de Tiebout correspond à l’augmentation de l’homogénéité de la population avec le nombre de communes existantes. La seconde est issue directement du modèle, chaque consommateur change volontairement de localisation afin de satisfaire au mieux ses préférences ;
  • Les migrations induites par la fiscalité
    Ces études ne s’intéressent pas à l’impact de la variation de la fiscalité sur le marché de l’immobilier comme le fait la capitalisation. Elles étudient directement les effets de la fiscalité sur les flux de consommateurs migrant pour des raisons fiscales ;
  • Le test du modèle de Tiebout à un niveau désagrégé
    Il s’agit d’étudier directement les motivations des consommateurs dans leur choix de résidence ;
  • La capitalisation immobilière de l’offre de biens publics locaux.
    Depuis 1956, le modèle de Tiebout a suscité plus de 200 articles et ouvrages qui testent ses différentes hypothèses et ses nombreuses répercussions (DOWDING et alii, 1994). Ceci s’explique par l’intérêt de ses travaux pour comprendre notamment les divisions sociales et politiques dans les communes, les variations du prix des biens immobiliers résultant des politiques publiques.