1.1. Le marché immobilier locatif

En France, en 1992, 39,2 % des logements étaient occupés par un locataire tandis que 53,8 % étaient occupés par leur propriétaire (CASES, 1995). Les autres logements sont occupés à titre gratuit. Aussi, pourrions-nous recourir aux loyers comme variable dépendante de la fonction des prix hédonistes.

Le marché du logement locatif en France est très réglementé et ne résulte pas uniquement d’une offre privée. En effet, le parc locatif français était composé à 43,6 % de logements du secteur social en 1992. Ces logements sont gérés quasi intégralement par les 900 organismes HLM. L’objet de ces organismes est d’aider les ménages disposant de ressources modestes à se loger. Ces établissements ont construit et gèrent des logements locatifs et des logements pour l’accession à la propriété. Ils accordent également des prêts pour l’amélioration de l’habitat populaire et pour l’acquisition de logement par les ménages modestes. En 1997, les organismes HLM ont géré environ 73 milliards de francs de loyers et 23 milliards de francs de charges locatives. La même année, ils ont construit 50000 logements sociaux et en ont réhabilité 130000 pour un montant de 46 milliards de francs. Ces chiffres de l’Union des Organismes HLM (1999) montrent l’importance des organismes HLM dans le secteur de l’immobilier et du bâtiment.

La gestion de l’habitat du secteur social ne répond pas à la loi du marché. Le niveau des loyers n’est pas basé sur la valeur du bien immobilier. Bien que les HLM doivent bénéficier aux personnes à revenus modestes, les locataires sont souvent des ménages ayant des revenus compatibles avec le niveau des loyers dans le secteur privé. Malgré l’institution de surloyers pour ces locataires tenant compte de leur capacité contributive, les loyers payés correspondent rarement au loyer sur le marché concurrentiel.

Le niveau des loyers du parc privé ne résulte pas non plus de la loi de l’offre et de la demande. Le marché locatif privé est très encadré.

Les loyers sont fixés librement entre le propriétaire et le nouveau locataire pour les logements neufs ou les logements ayant fait l’objet de travaux d’amélioration importants (équivalents à au moins une année de loyer) dans les six derniers mois. Dans tous les autres cas, il ne peut être fixé librement. En effet, en cas de changement de locataire, le montant du loyer doit être fixé par référence aux loyers constatés dans le voisinage pour un logement comparable. Les loyers peuvent être révisés en cours de bail si cela est prévu dans le contrat de location. Cette modification intervient à la date anniversaire de la prise d’effet du contrat de location. Le loyer est alors majoré de la variation moyenne de l’indice du coût de la construction sur quatre trimestres.

Une modification du loyer au-delà de l’évolution de l’indice du coût de la construction n’est possible qu’au renouvellement du bail (tous les trois ans dans la majorité des cas). L’annonce de cette augmentation doit intervenir au moins six mois avant l’échéance du bail. Le propriétaire n’est autorisé à augmenter le loyer qu’à la condition que le loyer soit manifestement sous évalué. Le nouveau loyer doit également correspondre aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour un logement similaire. Le propriétaire doit fournir au locataire ces références. En cas de désaccord, le locataire peut saisir la Commission Départementale de Conciliation. En cas d’absence de conciliation devant cette commission, le bailleur peut saisir le tribunal pour demander l’application du nouveau loyer. Dans le cas contraire, le bail est reconduit au loyer antérieur.

Cette présentation succincte des conditions de location des logements en France montre les résistances à l’ajustement de l’offre et de la demande du fait de la réglementation. Le loyer dans ce contexte ne permet pas de prendre en compte rapidement l’évolution des changements de l’environnement du logement (transport, services publics, équipements publics, etc.). Ceci conduit à un temps d’ajustement souvent long qui empêche les loyers de révéler le prix de marché du bien immobilier (ABELSON et MARKANDYA, 1985).

L’encadrement des loyers n’est pas l’unique raison qui pousse à rejeter leur utilisation pour calculer les prix hédonistes. En effet, la location n’est pas vécue de la même manière que l’acte d’achat d’un logement par les locataires.

Ainsi, le statut de locataire est propice au changement de résidence. Entre 1988 et 1992 en France, 49,7 % des locataires hors HLM ont changé de résidence principale, contre 9,5 % des propriétaires. Cases (1995) montre que les changements résultent principalement de changements de la situation professionnelle, des besoins d’un logement de plus grande taille, de raisons personnelles ou de la volonté d’obtenir un logement d’une meilleure qualité.

Les locataires n’intègrent pas forcément des éléments de long terme lorsqu’ils choisissent une localisation puisqu’ils peuvent changer de logement, sans coût de transaction rédhibitoire à l’inverse du marché immobilier. Par ailleurs, l’acte de location n’a pas les mêmes conséquences que l’achat d’un bien immobilier, qui est un engagement financier important des ménages à long terme par l’intermédiaire du financement de l’achat par l’emprunt. Les conséquences en cas d’erreur dans le choix d’une location en termes d’exposition au bruit ou d’accessibilité peuvent être rectifiées facilement. Cela n’est pas le cas après l’achat d’un bien immobilier, notamment du fait de coûts de transaction élevés.

Le caractère encadré du marché du logement et les caractéristiques du choix de la location conduisent à rejeter l’utilisation des loyers comme variable endogène de la fonction des prix hédonistes.