2.1. La mesure de l’interaction spatiale

Moran (1948) et Geary (1954) sont les premiers à proposer une mesure de l’interaction spatiale. L’autocorrélation spatiale est basée sur la notion de contiguïté binaire entre observations spatiales. Les observations correspondent à des zones. Chaque zone possède des frontières communes avec d’autres zones. Si deux zones ont une frontière commune, les deux observations sont considérées comme contiguës. La valeur 1 est attribuée pour mesurer cette interaction. En l’absence de frontière commune, l’élément correspondant à ces deux zones de la matrice spatiale est égal à 0. Ce type de contiguïté peut être facilement déterminé. D’autres formes existent notamment lorsque les observations se répartissent dans un espace organisé sous la forme d’une grille régulière.

En effet, Cliff et Ord (1973) illustrent les différentes formes de contiguïté en prenant comme référence un espace défini par des zones régulières. On peut assimiler cette organisation de l’espace à un échiquier. Ces deux auteurs isolent trois principaux types de contiguïté. Ils sont représentés par les mouvements possibles de trois pièces du jeu d’échec : la tour, le fou et la dame.

- La contiguïté assimilée aux déplacements de la tour correspond à la situation où la contiguïté est définie par l’existence de bordures en commun entre les cases. Ainsi dans l’exemple ci dessous, les cases b sont contiguës à la case a.

Figure 7.2 : La contiguïté (le cas de la tour)
Figure 7.2 : La contiguïté (le cas de la tour)
Figure 7.3 : L’organisation de l’espace et la matrice de contiguïté (le cas de la tour)
Figure 7.3 : L’organisation de l’espace et la matrice de contiguïté (le cas de la tour)

(les numéros permettent de repérer les cases)

La matrice de contiguïté

La matrice de contiguïté déduite de l’organisation de l’espace définie par la matrice carrée de dimension 3 et de la définition de la contiguïté (cas de la tour) donne la matrice carrée de dimension 9 (Cf. figure 7.3)

- La contiguïté de type déplacement du fou est représentée dans la figure 9. Elle consiste à considérer comme contiguës les cases ayant uniquement des sommets en commun. Les cases c sont contiguës à la case a.

Figure 7.4 : La contiguïté (le cas du fou)
Figure 7.4 : La contiguïté (le cas du fou)

- La contiguïté telle que définie par les déplacements de la dame sur le jeu d’échec correspond au cas où les cases contiguës posséderaient soit des bordures, soit des sommets en commun. Toutes les cases c et b sont considérées comme contiguës à la case a.

Figure 7.5 : La contiguïté (le cas de la dame)
Figure 7.5 : La contiguïté (le cas de la dame)

Pour reprendre l’exemple de la contiguïté définie par les déplacements de la tour sur le jeu d’échec, la figure 4 montre l’ordre de contiguïté à partir de a pour les 24 cases.

Figure 7.6 : La contiguïté d'ordre k (le cas de la tour)
Figure 7.6 : La contiguïté d'ordre k (le cas de la tour)

Ceci est valable pour des observations basées sur des représentations de l’espace sous la forme de zones géographiques régulières. Lorsque les zones sont régulières, les contiguïtés de même ordre sont équivalentes, donc elles sont pondérées du même poids. En revanche, attribuer le même poids aux contiguïtés de même ordre lors d’un zonage irrégulier est plus discutable. En effet, on peut imaginer que les interactions potentielles entre deux zones irrégulières peuvent être proportionnelles à la longueur de leur frontière commune. D’autres indicateurs peuvent servir à définir la contiguïté en rompant ainsi avec l’équivalence des interactions, notamment les voies de communications reliant les deux zones, les trafics, et cetera.

La définition de la contiguïté et de la distance de contiguïté s’est intéressée aux observations définies à partir d’espaces structurés en zones. Les observations peuvent être des points irrégulièrement disposés dans l’espace. La notion de proximité se substitue à la notion de contiguïté. La distance géométrique est souvent utilisée mais il existe d’autres définitions de la distance qui peuvent mieux prendre en compte les frictions auxquelles doivent faire face tous les déplacements dans l’espace (distance-temps, distance-coûts, etc.).

La notion de contiguïté et de proximité a évolué depuis la formalisation par Moran et Geary. De nombreuses formalisations ont été proposées (ANSELIN, 1988, p. 20).

L’interaction entre deux observations est alors formalisée dans le cas général de la manière suivante :

avec dij la distance entre les points i et j, f est une fonction décroissante.

Cliff et Ord (1973, 1981) suggèrent d’utiliser simultanément une mesure de la distance (l’inverse de la distance, l’exponentiel négatif de la distance) et la part de longueur totale de frontière de la zone i qui est commune avec la zone j :

avec dij la distance entre les centroïdes des zones i et j, ij la part de la frontière de la zone i qui est commune avec la zone j, a et b sont deux paramètres.

DACEY (1968) propose de prendre en compte l’aire des zones :

avec dij une mesure de la contiguïté entre les zones i et j, i la part de l’aire de la zone i par rapport à l’aire totale des zones étudiées, ij la part de la frontière de la zone i qui est commune avec la zone j.

Bodson et Peeters (1975) s’intéressent à une mesure générale de l’accessibilité qui est formalisée par une fonction logistique. Elle prend en compte l’influence des voies de communication entre les zones comme les routes, les voies ferrées, etc.

avec kj l’importance des voies de communication dans la zone j, dij la distance séparant les centroïdes des deux zones, a, b et cj sont des paramètres à estimer.

Ces formulations complexes permettent de prendre en compte l’organisation spatiale des observations ponctuelles. La matrice de distance traditionnelle demeure utilisée dans de nombreuses études empiriques.