2.2.2. Le recours aux modèles de géostatistique

En cas de présence d’autocorrélation spatiale résultant de la dépendance des caractéristiques et de l’accessibilité des localisations, d’autres méthodes sont utilisées. En effet, les paramètres estimés de la fonction des prix hédonistes par la méthode des moindres carrés ordinaires sont inefficients en cas de présence d’autocorrélation spatiale. Pour obtenir des estimateurs non biaisés, il est nécessaire de recourir à la méthode des moindres carrés généralisés. Mais ceci requiert la connaissance de la matrice de variance-covariance des résidus qui n’est en général pas connue.

Deux méthodes sont souvent utilisées pour calculer cette matrice : le maximum de vraisemblance et une procédure itérative. Chica Olmo (1992, p. 1332) indique que la première conduit à des estimateurs biaisés lors de faibles variations et que la seconde également produit des biais mais fournit des approximations raisonnables (UPTON et FLINGLETON, 1990, p. 367 et RIPLEY, 1981, p. 58). Les modèles de géostatistique sont ainsi proposés pour prendre en compte l’autocorrélation spatiale.

La géostatistique est une branche de la statistique appliquée développée par George Matheron (1965), un géomathématicien français. Elle permet d’estimer les variations de qualité de minerai dans les gisements. Ces outils ont été appliqués à d’autres domaines que la recherche géologique et minière. La méthode est basée sur les variables régionalisées qui sont des variables se situant entre les variables aléatoires et les variables déterministes. Les variables régionalisées décrivent les phénomènes caractérisés par des distributions géographiques.

Ces méthodes sont utilisées pour estimer la valeur d’un paramètre (grandeur mesurable) à n'importe quel point de l’espace étudié, à partir de données mesurées ponctuellement (donc supposées exactes). L’estimation de la valeur d'un paramètre en un point, pour lequel on ne dispose pas de mesures, est calculée par une combinaison linéaire de toutes les valeurs mesurées sur le périmètre étudié (krigeage). Cependant, chaque valeur mesurée est pondérée en fonction de sa distance avec le point estimé. La pondération est calculée à l’aide d’un variogramme qui est une représentation de l’évolution de la variance en fonction de la distance. L’utilisation de la géostatistique implique l’hypothèse de stationnarité (sur le périmètre d’étude, les deux premiers moments de la distribution du paramètre : moyenne et variance sont constants) ou au moins l’hypothèse intrinsèque (la variance ne dépend que de la distance entre les points de mesures et non de leur position absolue). Les erreurs sont isotropiques. Les modèles de géostatistique conduisent à l’élaboration de cartes avec des isocourbes sur lesquelles la valeur du phénomène étudié peut être lue pour toutes les localisations existantes.

La première étape des modèles de géostatistique consiste à modéliser la dépendance des résidus pour chaque couple d’observations. Ainsi une plus petite distance implique une plus faible variance et une plus grande distance induit une plus grande variance. Mais la variance augmente en fonction de la distance jusqu’à une certaine distance puis se stabilise pour former un plafond appelé Sill. La distance à partir du point de départ jusqu’au point associé au début du Sill correspond à l’étendue de la variable régionalisée. Dans cette zone, les localisations sont proches les unes des autres et forment un voisinage. Les observations dans cette zone serviront à l’estimation d’une valeur pour une localisation ne faisant pas partie des observations.

Le krigeage est la procédure d’estimation utilisée dans un second temps qui reprend les valeurs connues et le variogramme pour déterminer des valeurs ne faisant pas partie des observations. Le krigeage (kriging en langue anglaise) a été développé par Krig, ingénieur minier sud-africain. Basé sur l’utilisation du variogramme, les poids spatiaux sont assignés aux valeurs inconnues afin de déterminer leur valeur pour toutes les localisations.

Les modèles de géostatistique appliqués à l’estimation du prix des biens immobiliers ont connu un développement important depuis 15 ans. Ainsi Dubin (1992) a appliqué ces modèles au marché de l’immobilier à Baltimore (EU) et montre que par rapport à la méthode des moindres carrés ordinaires, le krigeage réduit la somme des carrés des résidus de 38 %. Basu et Thibodeau (1998) appliquent à des sous-marchés du logement à Dallas (EU) le krigeage et montrent que pour six des huit sous-marchés, les modèles de géostatistique améliorent les résultats obtenus avec la méthode des moindres carrés ordinaires. Chica Olmo (1992) conclut que les résultats trouvés pour le marché du logement à Grenade en Espagne indiquent que ‘cette méthode est l’instrument idéal pour les analyses de données en coupe transversale en présence d’autocorrélation spatiale’. Il met en exergue que, en plus de permettre l’estimation spatiale du prix du logement, les modèles de géostatistique calculent la valeur de la localisation.